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Miloud Belkadi : «Le Souverain cédera 60% de ses pouvoirs à la Primature»

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ALM : Quel est votre commentaire sur les grandes lignes de la nouvelle Constitution ?
Miloud Belkadi : Le discours du 9 mars a clairement montré la grande voie de la réforme avec comme fondamentaux l’Islam, intégrité territoriale et monarchie, avec une nouveauté en plus la démocratisation. Concernant un principe comme «La personne du Roi est respectée et inviolable», on trouve le même dans les Constitutions d’autres pays, notamment l’Espagne ou la France. C’est un principe inhérent à tout chef d’Etat. L’article 19 sera rectifié dans cette nouvelle Constitution. Les prérogatives du Roi seront limitées aux pouvoirs religieux et militaire, elles seront définies autant que sa relation avec le gouvernement et le Parlement. Le Souverain aura une mission d’arbitrage et cédera 60% de ses pouvoir à la Primature. Ceci consacre le principe de séparation des pouvoirs qui se fera graduellement. L’on aura un vrai président de gouvernement, avant le Premier ministre n’était qu’un haut fonctionnaire du Roi.

Comment se définit le rôle de chacun dans cette nouvelle Constitution ?
Toutefois, il ne faut pas rester prisonnier des termes et des notions. Tout dépend de la mise en œuvre de la Constitution. Est-ce que le prochain Premier ministre sera à la hauteur de ses nouvelles responsabilités ?
La nouvelle Constitution doit rompre avec la transition démocratique pour passer à la réelle démocratisation ? Est-ce que les partis politiques jouent leurs rôles constitutionnels précisés dans l’article 3 de la Constitution de 1996 et qui consiste à encadrer et représenter les citoyens. Aucun parti ne respecte ses tâches, sinon nous n’aurions pas eu les adlistes et le Mouvement du 20 février qui encadrent les gens dans la rue. Le problème se passe dans les partis, la balle est depuis longtemps dans leur camp.

Qu’est-ce qui distingue ce chantier de la révision de la Constitution ?
Basée sur le discours du 9 mars qui tend vers le renforcement d’une démocratisation profonde de la société marocaine, la révision de la Constitution est un grand projet national qui demande beaucoup de consensus de la part de tous les acteurs, syndicats, partis, société civile. Ce qui marque cette nouvelle révision, c’est que c’est la première fois qu’elle a été faite par des élites exclusivement marocaines. Celle-ci a aussi été ouverte sur d’autres acteurs notamment la société civile et les jeunes, ceci entre autres à cause de pressions nationales, régionales, et internationales. On peut aussi noter un strict respect de l’agenda du projet de la nouvelle Constitution qui doit aboutir avant le 30 juin, ce qui offre aux partis politiques le temps de l’ examiner, voire si leurs propositions ont été prises en compte. Maintenant la rencontre avec le conseiller de SM le Roi Mohamed Moâtassim avec les autres partis a été applaudie par les grands partis. Mais l’essentiel ce n’est pas la réforme de la Constitution en elle-même.

Quelle attitude faudrait-il adopter par rapport à cette réforme ?
J’ai peur, à travers ce qui apparaît aujourd’hui, qu’on accorde trop d’importance à cette réforme constitutionnelle comme but en soi, alors que ça doit être avant tout un moyen comme ce qui est fait dans tous les pays démocratiques. La révision de la Constitution, aussi ambitieuse soit-elle, n’est qu’un facteur parmi d’autres dans un système trop complexe.

Est-ce que les partis ont assez de temps pour inciter le citoyen à aller voter ?
Sans la participation de ce dernier, l’on aura, malgré les efforts consentis, des institutions vides et falsifiées. La réforme a pour principal but d’arriver à bâtir des institutions légitimes issues du vote et de la participation massive du peuple.

Quel est le rôle du peuple dans ce chantier ?
Si les Marocains boycottent les élections, nous aurons un Parlement handicapé, où siègent cinq partis non représentatif et qui ne jouera pas sa véritable tâche législative et de contrôle du gouvernement. Et ce dernier lui-même serais fragilisé comme ce qui est le cas aujourd’hui. Il faut que l’Etat change de stratégie tout autant que les partis politiques pour trouver le moyen de se réconcilier avec le citoyen seul capable de rendre leur valeur aux institutions. Est-ce que les partis politiques ont réussi à convaincre les citoyens de l’importance de leur mobilisation ? Est-ce que les partis ont réussi à convaincre leurs propres partisans? Est-ce qu’ils sont partis dans les zones rurales convaincre les population ? Est-ce qu’ils ont pensé à effectuer des choix plus judicieux de candidats légaux et légitimes. La plupart des grands partis vivent une crise qu’ils gèrent mal.

Quels sont les scénarios prévisibles à l’issue de cette révision de la Constitution ?
Ainsi après le vote pour la nouvelle Constitution qui rencontrera bien sûr une résistance de la part d’acteurs contre notamment Al Adl Wal Ihssane, Annahj Addimocrati, Pasd et autres, il y aura une dissolution du gouvernement probablement en juillet. Mais il faudra aussi un prolongement du Parlement pour voter des projets de loi majeurs notamment le code électoral et la loi sur les partis politiques, nécessaires à l’organisation des élections législatives en octobre 2011.
L’inauguration de la session parlementaire par le Roi devrait se tenir vers la deuxième semaine d’octobre. Avant ceci, il va falloir former un gouvernement et un Parlement. Mais l’élite pourrait être la même. Et un changement de la Constitution ne signifie-t-il pas pour autant un changement de comportement. Ainsi, la problématique qui se pose, est-ce que les acteurs politiques ont suffisamment de bonne foi pour se réformer avec cette réforme ? Est-ce que les mass-médias jouent leur rôle ? On a consacré trop de temps à la Constitution comme but et oublié les autres éléments qui la valorisent et qui rétablissent la confiance du citoyen. Le Maroc attend un grand projet de réformes qui dépasse la Constitution.

Les sept fondements majeurs de la réforme constitutionnelle

Dans son discours du 9 mars 2011, Sa Majesté a souligné les prémisses référentielles immuables dans le cadre de la réforme constitutionnelle. Il a cité «la sacralité de nos constantes qui font l’objet d’une unanimité nationale, à savoir l’Islam en tant que religion de l’Etat garant de la liberté du culte, ainsi que la Commanderie des croyants, le régime monarchique, l’unité nationale, l’intégrité territoriale et le choix démocratique, nous apporte un gage et un socle solides pour bâtir un compromis historique ayant la force d’un nouveau pacte entre le Trône et le peuple». Aussi, Sa Majesté, à partir de ces prémisses référentielles immuables, a décidé d’entreprendre la réforme constitutionnelle globale, sur la base de sept fondements majeurs:
1- La consécration constitutionnelle de la pluralité de l’identité marocaine unie et riche de la diversité de ses affluents, et au cœur de laquelle figure l’amazighité.
2- La consolidation de l’Etat de droit et des institutions, l’élargissement du champ des libertés individuelles et collectives et la garantie de leur exercice, ainsi que le renforcement du système des droits de l’Homme dans toutes leurs dimensions.
3- La volonté d’ériger la Justice au rang de pouvoir indépendant et de renforcer les prérogatives du Conseil constitutionnel, le but étant de conforter la prééminence de la Constitution et de consolider la suprématie de la loi et l’égalité de tous.
4- La consolidation du principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs et l’approfondissement de la démocratisation, de la modernisation et la rationalisation des institutions.
5- Le renforcement des organes et outils constitutionnels d’encadrement des citoyens.
6- La consolidation des mécanismes de moralisation de la vie publique et la nécessité de lier l’exercice de l’autorité aux impératifs de contrôle et de réddition des comptes.
7- La constitutionnalisation des instances en charge de la bonne gouvernance, des droits de l’Homme et de la protection des libertés.

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