ALM: Les formations politiques ont exprimé leur rejet de la marche du 20 février. Qu’en dites-vous?
Mohamed Darif : Il est tout à fait normal que les partis politiques refusent cet appel aux citoyens de descendre dans la rue pour protester, et ce pour deux raisons principales. Tout d’abord, la question qui se pose est celle de savoir quelles sont les personnes qui ont lancé cet appel. Certains diraient qu’il s’agit de jeunes utilisateurs de Facebook. Mais lorsqu’on examine les revendications de ces jeunes exprimées sur ce réseau social, on a du mal à croire qu’il s’agit de revendications formulées par eux. Pour ce qui est des révolutions égyptienne et tunisienne, on a bien vu que les jeunes ont exprimé au départ des revendications générales avant de déboucher sur des revendications plus détaillées. Pour ce qui est des jeunes Marocains, ce n’est pas le cas. Ils ont commencé par des revendications très détaillées. Ceci suscite un point d’interrogation à propos de la partie qui a lancé réellement les revendications et appelé à la marche. Deuxièmement, il faut dire que l’initiative de ces jeunes tente d’imiter les modèles égyptien et tunisien alors que le contexte n’est pas le même.
Comment expliquez-vous cela?
Certains ont tendance à dire que c’est l’appel des jeunes sur Facebook qui a déclenché la révolution du 25 janvier et celle du jasmin. Il s’est avéré dernièrement qu’en Egypte, il y avait cinq groupes de jeunes qui ont déclenché la révolution, notamment les jeunes des Frères musulmans, le Mouvement Khalid Saïd et le Mouvement du 6 avril. Bien avant les événements de la Tunisie, il y avait une sorte de coordination politique entre ces groupes et ils avaient même tenté de manifester collectivement d’une manière restreinte avant de lancer une grande marche. Aussi, en Tunisie c’est la mort de Bouazizi qui a déclenché les émeutes. Donc les deux révolutions sont liées à des constats. Ceci dit, on a bien vu que l’appel lancé sur Facebook en Syrie n’a pas réussi à mobiliser les citoyens à grande échelle, même chose en Algérie et au Yémen.
Que dites-vous à propos des revendications exprimées par ces jeunes?
La question qu’on doit se poser est celle de savoir : est-ce que ces jeunes représentent réellement les aspirations des Marocains, ou bien ils ne font qu’exprimer des avis en fonction d’un agenda précis. On voit bien que certaines de ces revendications ne peuvent nullement être acceptées par les Marocains et ne reflètent pas la réalité marocaine, notamment l’appel à la mise en place d’une monarchie parlementaire. Je dis aussi que l’appel à suivre les modèles tunisien et égyptien constitue une insulte pour les Marocains. Car le Maroc a connu les mouvements de protestation depuis les années 60, pour réclamer les réformes politiques. Oui, le Maroc fait l’exception dans le monde arabe au niveau politique, car le régime Ben Ali, par exemple, n’aurait jamais accepté en Tunisie des entités comme Al Adl Wal Ihssane et l’AMDH, étant donné leurs positions extrémistes. Au Maroc, le processus de réformes est en marche, il faut juste le booster.