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Mohamed Hamdi : «Plus la science médicale prend de l’avance plus les cas d’erreurs médicales se multiplient»

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ALM : Dans plusieurs cas d’erreurs médicales, les médecins sont acquittés suite aux poursuites pénales. S’agit-il des failles dans les textes en vigueur?
Mohamed Hamdi : Il faut savoir que la loi en vigueur date de 1913. C’est une aberration. Cette loi laisse place à un flou total pour ce qui est de la responsabilité médicale dans la mesure où l’erreur médicale au Maroc n’est pas réglementée par une loi spéciale. La loi marocaine prévoit une responsabilité civile pour le médecin étatique qui est considéré comme un fonctionnaire et sa responsabilité civile est gérée par le code des obligations et contrats. D’autant plus que l’erreur médicale telle définie par les textes laisse une grande marge de manœuvres pour ceux qui entendent détourner cette loi. Nous assistons de manière générale à un grand vide en matière de législation et nous faisons face également à un problème de lenteur de procédures judiciaires. C’est justement dans ce sens qu’un projet d’amendements est en cours d’élaboration par notre association. Nous prévoyons de le présenter au ministère de la santé dès qu’il prend forme.

Quels sont les obstacles auxquels vous faites face en matière de traitement des plaintes que vous recevez?
C’est quand il est question de recourir à une expertise médicale que nous nous trouvons en confrontation avec de grandes forces de pression. Loin de vouloir généraliser, quelques médecins se regroupent en une sorte de lobby, une solidarité hors paire fait surface et fait que soit l’expertise est refusée de manière indirecte, soit on fait en sorte à ce que la procédure traîne le plus de temps possible avant qu’on se voit délivrer une expertise rejetant toute responsabilité du médecin poursuivi. Heureusement que dans certains cas d’erreurs médicales assez flagrantes nos juges se basent plus sur les dossiers généralement consistants en leur disposition et se prononcent en faveur des victimes.

Que reste-t-il à faire?
Il y a un grand effort à faire en matière de sensibilisation des victimes. En raison du manque d’accompagnement juridique, ces victimes sont souvent livrées à elles mêmes, elles sont en position de faiblesse et se voient confrontées à des formules de consolation et d’excuses de la part des médecins ayant commis l’erreur et abandonnent de ce fait leurs causes. L’erreur est bien évidemment humaine, mais quand la conscience professionnelle est absente, elle laisse place à une suite d’erreurs dont les conséquences sont très lourdes sur la vie des victimes. Pour ce qui est de la recherche scientifique, et c’est là où le bât blesse, si on fait la revue de toutes les thèses doctorales au Maroc, on en trouvera peut-être une seule en rapport avec la législation marocaine de l’erreur médicale. Il faut que ceci change, l’erreur médicale prend une ampleur immensurable. Plus la science médicale prend de l’avance plus les cas d’erreurs se multiplient.
 
Qu’en est-il du ministère de la santé, quelles recommandations lui adressez-vous?
Le ministère de tutelle se doit de renforcer sa politique d’inspection et de contrôle sur le secteur de la santé. L’Ordre de médecins, lui aussi, a un grand rôle à jouer dans ce sens. Qu’il s’agisse des hôpitaux publics où des cliniques privées, nous assistons parfois à des scénarios catastrophiques. Il existe bien évidemment des médecins qui accomplissent leur devoir en toute honnêteté mais ceci ne veut pas dire que d’autres le font aussi. C’est contre ces derniers qu’il faut se redresser et prendre de fortes positions en faveur des victimes.

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