Comment avez-vous accueilli la nouvelle de la grâce royale accordée à 77 détenus islamistes à l’occasion de la Fête de la Jeunesse et l’anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple ?
Abderrahim Mohtade : C’est une décision très importante et historique. Elle constitue incontestablement pour les bénéficiaires une réhabilitation dans leur dignité et leur droit. Leur liberté a été confisquée dans des conditions que bon nombre de défenseurs des droits de l’Homme considèrent comme injustes. La grâce que le Souverain vient de leur accorder redonne énormément espoir aux familles et aux personnes toujours en détention.
Vous dites que c’est une réhabilitation, alors que la grâce n’est pas amnistiante. Pensez-vous que les détenus méritaient une amnistie totale ?
Qu’il s’agisse d’une grâce partielle, totale ou amnistiante, le résultat est le même. Et cela ne diminue en rien son importance. L’essentiel pour les détenus et leurs familles c’est qu’ils perçoivent une volonté certaine chez la plus haute autorité du pays, c’est-à-dire le Roi, de rectifier certains tirs et réparer certaines erreurs commises avant et pendant les procès. Comme je viens de le souligner, des arrestations et des procès ont été entachés d’irrégularités. Aujourd’hui, tous les intéressés qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur des prisons ont d’énormes espoirs pour l’avenir.
Justement, comment les familles et les détenus ont accueilli la nouvelle ?
Les familles ont été énormément soulagées. Les détenus encore plus. A titre d’exemple, dans la prison centrale de Kénitra, aucun détenu n’a été gracié. Et pourtant, j’ai parlé à certains d’entre eux et ils m’ont assuré qu’ils ont maintenant compris que le Roi est la seule autorité capable de les rétablir. Ils ont manifesté leur intention de demander la grâce royale.
Mais certains chouyoukh refusent de demander la grâce. Qu’en pensez-vous ?
Vous savez, dans notre association, nous essayons de ne pas exercer une tutelle sur les détenus. Mais cela ne nous empêche pas de leur donner des conseils. Personnellement, je pense que l’Etat possède un certain prestige qu’il doit nécessairement garder. Aussi, le détenu est un citoyen marocain, avant tout. Il a été condamné en vertu de la législation marocaine, il n’y a donc pas de honte à user de toutes les voies de recours disponibles, y compris la grâce royale. L’Etat et les chouyoukh de la Salafiya ont exprimé leur volonté de trouver une solution. Il est temps de trouver un compromis et faire des concessions car le résultat est dans l’intérêt du prisonnier. Et je le répète encore une fois, l’Etat a une image à préserver et le détenu a intérêt à demander la grâce. La principale garantie que les détenus possèdent est inéluctablement la volonté royale de réparer toutes les injustices.