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Mustapha Naïmi : «L’État doit promulguer un programme urgent de sensibilisation»

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ALM : Nous avons assisté récemment à la création d’une Union internationale pour le soutien au projet d’autonomie au Sahara. Une Union qui s’assigne comme mission de faire connaître mieux à la communauté internationale le projet marocain d’autonomie. Comment voyez-vous cette démarche?
Mustapha Naïmi : Le Maroc est un système politique aux caractéristiques spécifiques très différentes et parfois difficilement compréhensibles pour l’opinion internationale. Les Marocains participent différemment à la vie politique et ont une manière particulière de traiter avec le pouvoir et ses représentants. Si les Marocains ont connu plus de soixante ans de manque de crédibilité du système centralisé, la fraude politique étant une pratique courante et régulière, dont les citoyens n’ont jamais un mot tendre pour leurs dirigeants politiques et leur constitution, et pourtant, après plus de cinquante ans, le Maroc semble même disposé à retrouver une idée de son fonctionnement responsable. En théorie et en principe, cela ne peut qu’apporter un plus. Il reste pour que le programme trouve une audience auprès de l’opinion nationale et internationale qu’une sensibilisation se fasse à un niveau convaincant, c’est-à-dire dans la gestion du projet de manière rapide et structurelle. Seule la pertinence et la véracité du programme permettront de mieux convaincre tout le monde.

Quelle est, selon vous, la meilleure manière pour faire vendre le projet d’autonomie?
A la suite des propositions des mesures récentes consistant à lancer la commission chargée de la proposition en programme de régionalisation, il reste à entamer la sensibilisation par accompagnement et formation répondant aux problématiques et aux attentes nationales et internationales. Certains diraient qu’il faut attendre la mise en place du chantier pour voir se concrétiser le projet dans ses premières démarches. Pourtant, les porteurs de projets sont des structures publiques ou privées (associations, établissements de formation en action politique et sociale, organismes de gestion et de formation, établissements et services sociaux…). Ils peuvent présenter des actions locales ou des actions s’intégrant dans un programme couvrant plusieurs départements, pour autant qu’elles s’inscrivent dans une territorialisation de proximité. Ils doivent être prêts à lancer des formations en partenariat avec tous les acteurs locaux concernés. Ils peuvent proposer une méthodologie de la démarche d’accompagnement d’articulation en tenant compte de la diversité des situations administratives, économiques et sociales et des caractéristiques des articulations entre secteurs et composantes principales. L’État doit promulguer un programme urgent de sensibilisation des élus et des fonctionnaires à l’importance de la participation des citoyens et de rencontrer les débats dans un cadre informel, voire ludique et festif. Le cadre est propice au débat de sujets d’intérêt local et permet de mieux cerner les besoins, d’établir des rapports de confiance et de faire passer un message de responsabilité mutuelle.

Ne pensez-vous pas qu’il vaut mieux vendre ce projet à l’Algérie et au Polisario plutôt qu’à la communauté internationale?
Au vu de la qualité du projet de régionalisation, sa mise en œuvre doit faire de l’opération menée dans les trois régions du Sahara une expérience pilote de l’édition 2010. Il en aurait plusieurs éditions de ce grand chantier, la campagne au Sahara doit être retenue parmi les expériences pilotes non seulement du Maroc mais du continent où nous nous trouvons. Entre les régions où doit prévaloir l’autonomie locale et celles où doit être expérimentée la régionalisation élargie, il est impératif de raisonner en terme de plate-forme régionale tampon de transition et d’intermédiation.
Cette thématique nous l’avons abordée dans les détails Abdelaziz Jazouli et moi-même dans le cadre de nos publications durant les années 1990. Et si la transition et l’intermédiation sont les conditions pour promouvoir la participation des citoyens à la vie politique locale, il s’agit de les informer sur le fonctionnement de leurs collectivités locales, sur les responsabilités de leurs élus, sur leurs possibilités de participer aux affaires locales, la participation des citoyens au Sahara est essentielle à une démocratie locale dynamique. Ce n’est certainement pas le haut commandement du Front Polisario ou l’État algérien qui peuvent verser dans la promotion de la démocratie locale en offrant l’opportunité de sensibiliser élus et fonctionnaires à l’importance de la participation des citoyens, de rencontrer des concitoyens dans un cadre propice au débat de sujets d’intérêt local permettant de mieux cerner les besoins, d’établir des rapports de confiance et de faire passer un message de responsabilité mutuelle. S’il y a des gens qui sont censé s’accommoder d’une rupture totale avec les idées véhiculées par le haut commandement du Front Polisario et l’État algérien, ce sont bien les jeunes et les moins jeunes Sahraouis des trois régions du Sahara, pour qui, il existe une espèce de nostalgie de l’identité politique sahraouie bafouée par l’approche centralisatrice à outrance. Le projet nature est plus qu’un simple programme de développement, c’est un projet de société dans le quel les hommes et les femmes viennent puiser des ressources pour oublier l’excessive rapidité avec laquelle ils sont passés d’une société sahraouie à une société urbaine les ayant fait perdre leurs repères. Depuis les années 80, on a assisté à l’apparition d’une quête d’identité considérée comme un vaste enjeu politique et culturel. Or, on est loin d’avoir déterminé les rôles de l’ensemble des êtres vivants au Sahara.

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