La Casa de Espana est un club privé et un lieu de rencontre pour les amis et les familles, marocains et étrangers. Située à la rue Faïdi Khalifa, ex-Lafayette, en face de la rue Magellan et de l’hôtel Mauritanie, la Casa de Espana étaient, ce vendredi soir, bondée de monde. Des habitués. «Nous sommes habitués à y jouer chaque vendredi au Bingo, un jeu de hasard», explique un jeune homme qui devait s’y rendre, mais qui en a été empêché par le drame. Il était 22h 20 mn quand deux ou trois jeunes -les versions diffèrent -, arrivent à la porte du club. Une fois entrés, ils se retrouvent en face du portier, Abdellah. Celui-ci était veilleur de nuit dans cette même rue avant de devenir portier de la Casa de Espana, racontent des habitants du quartier. Personne ne sait au juste si Abdellah a tenté d’empêcher les jeunes hommes d’entrer. Ce qui est sûr est que l’un d’eux l’a égorgé avec un grand couteau, comme un mouton de l’Aïd. Ils l’ont laissé gisant dans une mare de sang et l’égorgeur a jeté son couteau sur les deux marches d’escalier qui donnent sur l’entrée. Pourquoi ne l’a-il pas gardé ? recèle-t-il des empreintes digitales pouvant identifer l’un des jeunes assaillants ? Aucune réponse jusqu’à maintenant.
Que s’est-il passé par la suite ?
Mohamed Ch’rif, un rescapé qui est retourné sur les lieux pour chercher sa voiture après avoir subi les soins nécessaires, affirme : «Nous étions cinq personnes autour d’une grande table en train de jouer au Bingo…Au moment du tirage au sort lors duquel une responsable a dit : «on va vérifier», nous avons entendu une espèce de sifflement, puis une première explosion, puis une seconde… Je suis tombé à terre et j’ai tenté de me relever mais en vain. C’était comme si j’étais poussé vers le bas par une grande force … Je n’entendais plus rien… Il m’a fallu quelques minutes avant que je puisse me relever…Et là, je ne pouvais en croire mes yeux : des têtes, des mains, des pieds, arrachés, éparpillés…Du jamais vu…». Ch’rif s’exprime en criant, il n’arrive pas encore à réaliser qu’il a survécu à l’attentat. «Nous étions une centaine, des Marocains à l’exception de trois ou quatre Espagnols. Il y avait également deux ou trois enfants avec leurs parents…», ajoute-t-il. Des morceaux de chair sont éparpillées de l’intérieur du club vers l’extérieur, à plusieurs mètres, vers le premier et le deuxième étage de l’hôtel Mauritanie. Des blessés sont sortis, demandant du secours. Les jeunes du quartier et les passants sont intervenus pour intervenir avant l’arrivée des éléments de la protection civile et de la force publique. Les cris, les gémissements, le sang, des hommes blessés courant par ci et d’autres par là. Tout est sens dessus-dessous. Le tintamarre des sirènes d’alarme des ambulances et des fourgons de police est assourdissant. Le nombre des victimes dépasse les moyens disponibles.
Ce qui a nécessité de faire appel aux ambulances privées. Entre-temps, le directeur général de la sûreté nationale, Hafid Benhachem et le wali de la sûreté de Casablanca arrivent ensemble, en voiture. Ils entrent dans la Casa de Espana, pour ressortir quelques minutes plus tard, sans répondre aux questions des journalistes concernant le nombre des morts et des blessés. Mais des sources de la protection civile ont avancé un chiffre de 47 blessés et de 18 morts. Ces derniers n’ont été évacués vers la morgue qu’à la première heure du lendemain, samedi, pour devenir des témoins de la barbarie des groupuscules assoiffés de sang.