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Parlement : un certain Monsieur Oukacha

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Lors de la "pré-campagne" pour l’élection du président de la Chambre des conseillers, on a assisté à une frénétique agitation du côté de l’Istiqlal et du Mouvement populaire dont les leaders ont été jusqu’à demander l’intervention de Driss Jettou. Pendant ce temps-là, Mustapha Oukacha s’offrait quelques moments de répit en attendant le 13 octobre, date de la rentrée parlementaire. Mustapha Oukacha n’a jamais été un homme pressé et, de toutes les manières, il n’en a jamais laissé transparaître le moindre signe. Le jour "J", l’éternel président de la commune rurale Moualine El Oued (Benslimane), est candidat unique à sa propre succession. Sur les 223 conseillers présents, il arrachera 174 voix alors que 49 bulletins ont été déclarés nuls. Pour railler Driss Jettou, qui serait intervenu pour calmer les rangs de sa majorité, une dizaine de conseillers ont inscrit son nom sur le bulletin de vote. Mustapha Oukacha est réélu, au premier tour, pour un troisième mandat de trois ans.
Au-delà d’une supposée intervention du Premier ministre, d’où vient tout cet "engouement" pour le président Oukacha ? Ceux qui l’ont toujours côtoyé affirment qu’il dispose de tout un "art de séduction" qui met de ses côtés ses ennemis avant ses amis. D’ailleurs, affirme un de ses proches, "dire qu’il a des ennemis est exagéré, il ne sait pas s’en faire !".
Mustapha Oukacha est l’ami de tout le monde, opposition comme majorité. Il y a six ans, à sa première élection au poste de président des sénateurs, il avait pris la décision de réaliser une cohabitation assez particulière : ses conseillers et chargés de mission proviennent de tous les partis politiques et il tient à cette règle. "Contrairement à Abdelouahed Radi qui privilégie les gens de sa tribu socialiste", renchérit une mauvaise langue au Parlement.
«C’est un homme des coulisses qui sait convaincre ses interlocuteurs, mais qui évite la confrontation directe et les polémiques», dit de lui un proche qui l’a côtoyé pendant des décennies. «Normal pour quelqu’un qui n’a pas fait ses classes chez la gauche ou, du moins, au sein du parti de l’Istiqlal», note un conseiller de gauche qui dit vouer un grand respect à cet "homme hors pair" qui "n’a pas besoin de faire aligner, sur son CV, une série de diplômes pour vous impressionner".
Même dans sa vie intime, et sans le faire exprès, Mustapha Oukacha est le chef d’une famille "ordonnée" : deux fils et une fille de son mariage avec feue Khadija Bennani Smirès et deux fils et une fille de Milouda Oukacha, sa cousine. Les deux fils aînés (Ali et Hassan, l’aîné a 50 ans) font d’ailleurs comme papa : pêche hauturière et promotion immobilière à Casablanca et Agadir. Seule Meryem, l’aînée des deux filles qui est psychologue. Les trois ont fait leurs études à Tallahassee en Floride. Mieux que les bancs de cette école casablancaise où le "sénateur-président" côtoyait, il y a plus de la moitié d’un siècle, un M’Hammed Iraqi, l’actuel wali Al Madhalim.
Les hommes continuent de se voir régulièrement d’ailleurs. M. Oukacha est également très lié à Ahmed Bensouda, à l’ex-ministre Abdellatif Ghissassi et, évidemment, à Ahmed Osman qu’il connaissait bien avant la création du RNI et qu’il n’hésite pas à bousculer de temps à autre. Avec les gants bien sûr.
«Mustapha Oukacha est un homme généreux avec tout le monde et qui a le sens de l’écoute», dit de lui
son chef de cabinet Abdelghani
El Kasmi, pressenti pour le poste
de secrétaire général de la deuxième Chambre. El Kasmi est en quelque sorte l’"ombre" de Mustapha Oukacha. Les deux hommes ne se quittent plus depuis trois décennies et se partagent surtout les longues séances de méditation en pleine campagne. C’est dans les environs de Benslimane que Mustapha Oukacha aime passer quelques moments de détente quand il n’a pas la possibilité de passer trois ou quatre jours à Tanger, son autre destination favorite. 
En 1993, Mustapha Oukacha subit une opération à cœur ouvert et est obligé, depuis, à effectuer des contrôles périodiques. Pour quelqu’un qui aime les traditions comme lui, c’était dire "au revoir" aux Méchouis, Pastillas et autres poulets rôtis pour se mettre aux salades aux endives au fromage accompagnées de poisson grillé ou fumé. Le président de la Chambre des conseillers, parlementaire depuis la levée de l’état d’exception, est plutôt thé que café. Sans trop aimer s’afficher, il prend ses déjeuners au Sofitel Diwan de Rabat quand il n’a pas le temps de "pousser" jusqu’au Hilton.
Contrairement à une certaine version officielle, Mustapha Oukacha ne fait pas partie des fondateurs du RNI. Il rejoint ce parti quelques années plus tard, mais pour y rester pour toujours. Les militants du parti d’Ahmed Osman racontent que Mustapha Oukacha avait menacé de collecter tous les poulets de la Chaouia, si le besoin en était, pour soutenir Ahmed Osman objet, en 1992, d’un "complot" fomenté par Driss Basri avec la complicité d’un trio RNI (Tayeb Bencheikh, Alaoui Hafidi et Haddou Echiguer).
Mustapha Oukacha, tout en se mouvant dans les coulisses, ne veut pas qu’on s’attaque à Ahmed Osman qu’il accuse quand même, témoigne un responsable RNI, de ne pas être "trop clair" côté gestion. Une source RNI affirme que le président de la deuxième Chambre, pour ménager tout le monde, appelle à un congrès national, mais juste pour adapter les statuts du RNI aux dispositions de la nouvelle loi sur les partis politiques. «Il tient le bâton par le milieu», résume un autre responsable RNI pour qualifier Mustapha Oukacha, l’agriculteur, l’armateur, le politique, l’homme des coulisses, l’homme du consensus et le déjà éternel président de la Chambre des conseillers. L’homme au triomphe modeste.

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