ALM : Quel est l’objectif de l’organisation par l’INPBPM d’un sit-in, ce jeudi, devant le Parlement ?
Mohamed Tarek Sbaï : Depuis 2006, on a décidé de célébrer chaque 24 mars la Journée nationale de la protection des biens publics. Pour cette année, on a décidé d’organiser un sit-in sous le thème «Non à la réconciliation avec les spoliateurs des biens publics». La spoliation de l’argent public entrave les efforts de développement du pays et porte gravement atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels des citoyens. Depuis 50 ans, la spoliation systématique des biens publics profite aux personnes qui tirent profit de l’économie de rente. L’INPBPM a toujours revendiqué que les crimes de détournement de ces biens soient considérés comme des crimes contre l’humanité, étant donné qu’ils entravent les droits à l’éducation, à l’emploi et à l’accès aux services sanitaires.
Quelles sont vos revendications?
Nous estimons que les immunités dont profitent les ministres, les parlementaires ainsi que des militaires entravent les mécanismes de reddition de compte au niveau pénal. Elles doivent, ainsi, être supprimées. Nous voulons également que la justice soit complètement indépendante. Ce n’est pas le gouvernement qui doit déclencher les poursuites contre les spoliateurs de l’argent public. C’est la justice qui doit assurer cette mission et de façon spontanée, sans attendre des directives. Aussi, la Cour des comptes doit avoir la possibilité d’introduire en justice les personnes impliquées dans des affaires de détournement des biens publics. Aussi, la loi dispose que les ministres ne peuvent être poursuivis en justice que devant la Cour suprême. La procédure doit être simplifiée dans ce cadre.
Parmi les revendications des manifestations du 20 février figure la lutte contre la corruption. Quel commentaire en faites-vous?
La journée du 24 mars est une journée assez spéciale. Tout le monde va découvrir le fait que les slogans scandés par les jeunes du 20 février à ce sujet sont ceux répétés par l’INPBPM depuis sa création. Nous avons toujours revendiqué la chute du despotisme et de la corruption. Ainsi, nous appuyons très fort les revendications de ces jeunes. D’ailleurs, je tiens à informer le public que l’INPBPM compte publier, dans les prochains jours, les noms des magistrats et des personnes corrompus. Cela va se faire dans le cadre d’une conférence de presse. Les juges dont il s’agit sont de grand calibre. Dans cette étape historique que vit le Maroc, nous voulons rompre définitivement avec les pratiques du passé.
Quelle est votre vision au sujet du chantier de la réforme constitutionnelle?
L’INPBPM s’attelle à préparer un mémorandum que nous allons soumettre à l’appréciation de la Commission consultative de révision de la Constitution. D’une manière générale, les points que nous entendons soulever à travers ce mémorandum sont au nombre de quatre. Nous revendiquons la constitutionnalisation de l’article 15 de la loi sur la fonction publique. Un article qui interdit au fonctionnaire d’exercer, parallèlement à ses responsabilités, des activités commerciales. Aussi, nous voulons supprimer la prescription pour ce qui est des crimes de détournement des biens publics. Ces crimes doivent être jugés rétroactivement pour qu’on puisse récupérer les biens spoliés. Troisièmement, il faut que les personnes condamnées dans le cadre des affaires de spoliation des biens publics soient privées du droit à la grâce. En ce qui concerne le quatrième point, nous demandons que la présidence du Conseil supérieur de la magistrature soit confiée à un juge honnête élu.
Quel bilan faites-vous du travail de l’Instance centrale de prévention contre la corruption?
Il s’agit d’une instance qui a été créée dans le cadre de l’article 19 de la Constitution. Concernant le bilan général, je pense que le rendement de l’ICPC reste médiocre. D’ailleurs, cette instance est incompatible avec la convention onusienne de lutte contre la corruption, qui invite les parties à mettre en place une instance pour lutter contre la corruption et non prévenir contre elle. Il s’agit de deux choses différentes. En plus, l’ICPC n’est qu’une instance consultative auprès du Premier ministre, elle n’a aucun pouvoir de décision, ce qui minimise considérablement son efficacité.