A lui seul, l’USFP représente un microcosme dans lequel se côtoient différentes couches et aspirations sociales. A côté du vieux résistant, qui a pris les armes, et le maquis lors de la résistance contre les forces de l’occupation, on trouve le militant rebelle des années soixante et soixante-dix, l’émeutier des années quatre-vint et quatre-vingt-dix, des syndicalistes membres-fondateurs de l’UMT et de la CDT, des hommes d’affaires, des commerçants, des agriculteurs et des chômeurs. Tous se retrouvent à divers degrés au sein de ce parti.
Certes, l’appréhension des uns et des autres diffère ainsi que leurs points de vue et jugements de valeur. Mais, en dépit de ces contradictions, ils se rencontrent tous autour d’un seul idéal. Même si ce n’est qu’un idéal flou, sans figure ni traits précis. Chacun traduit l’acception de la trilogie «libération, démocratie et socialisme», selon ses capacités intellectuelles, ses intérêts et la stratégie à laquelle il croit. Certes, depuis les années quatre-vingt, la donne «socialiste» a disparu de l’équation précitée, mais toujours est-il que depuis le sixième congrès national de mars 2001, l’USFP n’est plus le même. A-t-il perdu son âme suite à sa participation au gouvernement de l’alternance ? Probablement pas. D’ailleurs, à l’exception des partants, même s’ils sont nombreux, la direction de cette formation est constituée du même profil politique. Comme durant le temps de feu Abderrahim Bouabid, c’est Mohamed Elyazghi qui maîtrise les ficelles de l’appareil organisationnel. Sur le plan de ses positions, et contrairement à certaines approches trop hâtives ou trop nostalgiques, le parti n’a pas viré à 180°, comme le prétendent certains de ses adversaires.
Mais là où il y a blocage et malaise, c’est au niveau de la gestion de la quotidienneté. Des fois, des observateurs, comme nous d’ailleurs, ont l’impression qu’il fait tout pour se faire mal et attirer les problèmes.
Est-il logique qu’une formation comme l’USFP, qui a vécu presque quarante années dans les sphères de l’opposition, puisse constituer, pour la première fois de son histoire, un gouvernement sans consulter ses instances dirigeantes, et les membres du bureau politique ? Sans même que ses bases soient armées et préparées théoriquement et politiquement pour faire face à leurs adversaires et puissent convaincre les citoyens de la justesse de leurs décisions ?
Est-il normal que l’on continue de chanter le succès des travaux d’un congrès qui s’est soldé par une défection massive de cadres et de militants qui ont passé une bonne partie de leur vie au sein de cette famille, qui furent emprisonnés et torturés pour les valeurs brandies par leur parti ? Les voies du dialogue étaient – elles vraiment sans issues ? N’y avait-il pas moyen de surmonter l’obstacle du « service d’ordre» dudit congrès, ce point futile qui a fait déborder le vase ?
Certes, tout cela n’est qu’une compilation de détails, mais toujours est-il que ceux – ci sont révélateurs de l’état d’esprit régnant.
En effet, il n’y a plus de distance entre le réel et l’utopie. A force de pratiquer le pragmatisme politique, plusieurs militants se sont écartés des idéaux du groupe et de la valeur «collective». Le processus démocratique, tel qu’il a été confectionné, perçu et pratiqué dans notre pays, a suscité les ambitions et convoitises endormantes chez ceux que le commun des mortels qualifiait d’invulnérables face à l’usure du temps et qui se proclamaient de l’avant-garde. La ruée vers la gloire personnelle et pour rattraper le temps perdu, en termes de gains immédiats, devient de plus en plus manifeste. Les dirigeants et membres du parti ne cachent plus leurs désirs et ambitions.
Les médias rapportent quotidiennement des faits de ce genre et la banalisation a atteint un seuil grave.
L’USFP, comme tout être vivant, ne saurait échapper à son destin ni aux «contraintes» que lui impose son environnement. Mais le pays a encore besoin de lui.