Le rapprochement entre le Rassemblement national des indépendants (RNI) et l’Union constitutionnelle (UC) a secoué la classe politique marocaine. L’événement en lui-même n’est pas révolutionnaire puisqu’il s’agit d’un rapprochement logique s’agissant de deux partis nés de la même manière, ayant les mêmes composantes sociales et fonctionnant avec des procédures similaires. Mais, ce qui a sonné l’alerte chez l’ensemble de la classe politique, c’est le fait que ce rapprochement s’est fait d’une manière assez particulière tant dans la forme que dans le timing. Sur la forme, il est remarquable que les deux formations ne sont pas dans une posture d’égalité. Il y a d’un côté, le RNI, parti fort à la fois de son poids parlementaire, de son alliance avec une formation partisane qui pèse beaucoup dans le paysage politique marocain actuellement, à savoir le Parti Authenticité et Modernité (PAM), et de sa présence remarquable au gouvernement à travers des ministères d’intérêt stratégique. De l’autre côté, on a un parti, l’UC, qui n’est pas parvenu à trouver une place dans le paysage politique marocain depuis le gouvernement de l’alternance. Il traîne depuis des années à la recherche d’une utilité politique qu’il n’est pas arrivé à trouver. Ne sachant pas faire de l’opposition étant donné que la posture d’opposant ne fait pas partie de son ADN, il est devenu mathématiquement inutile pour la majorité puisque l’intégrer dans le gouvernement ou le laisser à l’extérieur ne changerait rien à la situation. et ces dernières années, il est resté en stand-by attendant que l’on l’invite à quelque chose tout en faisant les yeux doux au PAM espérant que les faiseurs de la nouvelle carte politique regardent de son côté. C’est ce qu’ils ont fini par faire, mais en sous-traitant son affaire au RNI. Pour ce qui est du timing, il est clair que l’annonce intervient à un moment où tout le monde cherche à se réfugier quelque part d’un tsunami que l’on sent de plus en plus proche.
Un tsunami politique qui permettra de balayer toutes les résistances qui empêchent le remodelage de la vie partisane marocaine de façon à l’adapter aux nouvelles donnes politique, économique et sociale. Des leaders dépassés qui continuent à fonctionner sur la base de réflexes qu’ils ont développés aux années 1960 et qui, atteints d’une sorte d’agoraphobie, ils n’arrivent pas à briser un faux refuge psychologique qu’ils ont appelé la Koutla. Des partis de gauche qui ont du mal à admettre que le monde a changé et que l’idéologie socialiste doit développer un nouveau discours et de nouveaux réflexes, mais dans le cadre d’un regroupement de ses forces. Des partis de droite dont la genèse avait été certes initiée par l’administration, mais qui sont devenus de vraies machines électorales et dont le problème principal est de trouver l’audace suffisante pour mettre cette capacité au service d’une vision politique au lieu d’intérêts individuels de quelques notables. Des islamistes qui disent accepter les règles du jeu démocratique, mais qui n’ont pas encore réussi à gagner la confiance de la société politique. Des conservateurs qui refusent d’assumer ce statut et naviguent d’une manière maladroite entre le conservatisme et le modernisme. Faute d’initiatives individuelles et spontanées, la classe partisane semble être, aujourd’hui, poussée au changement d’une manière magistrale utilisant des réflexes politiques et actionnant des procédures démocratiques. Mais, le jeu est très sensible, la boule de neige peut grossir et devenir immaîtrisable. Certes, le scénario est bon, mais réussir sa réalisation dépend essentiellement du casting et du scripte.