Aujourd’hui Le Maroc : la démocratie marocaine devra-t-elle nécessairement se bâtir sur l’affaiblissement de l’État et de ses institutions ?
Saïd Saâdi : Pluridisciplinaire et multiculturelle, l’État marocain est assez fort pour faire face aux péripéties liées à l’évolution socio-politique du pays. À mon avis, il ne faut pas dramatiser ce qui se passe actuellement. Par contre, il s’agit de veiller d’installer et de développer une culture de dialogue avec les médias pour les amener à oeuvrer dans un esprit de responsabilité. Autrement dit, il faut que l’État puisse communiquer avec les vecteurs de l’information et appliquer la loi quand cela est nécessaire. Les problèmes viennent souvent du manque et de l’absence d’une bonne communication.
Peut-on mieux communiquer et s’entendre quand la bonne foi fait défaut ?
Au Maroc on est en train de construire un État de droit. Autant, il convient d’éviter de prendre des décisions sous le coup de l’émotion, autant il convient de miser dans la durée sur la responsabilisation des médias. Faire en sorte que les problèmes qui peuvent surgir en cours de route ne conduisent à des dérapages permanents. C’est la voix à suivre pour pouvoir une bonne culture de compréhension et de respect.
Donc, on ne saurait imaginer une liberté délestée de toute responsabilité…
Absolument. Sinon c’est l’anarchie qui risque de s’installer. Par ailleurs, quand on construit un État démocratique, il faut s’attendre à un mauvais usage par certains de la liberté de ton et de parole qui existe. Et lorsque les espaces des libertés s’élargissent, les gens s’engouffrent naturellement dans la brèche. Alors que faut-il faire dans ce cas ? À mon sens, il n’y a qu’une seule solution : rester vigilant et ouvert à la fois. Cependant, ce dont nous manquons au Maroc c’est d’une information objective qui permette aux différents acteurs de prendre des décisions en connaissance de cause.
Quelles sont les conditions pour qu’il y ait un État fort qui soit respecté ?
Il faut que cet État soit démocratique, veille au respect de la loi et s’ouvre sur toutes les potentialités du pays en associant, transparence oblige, des acteurs comme les médias, la société civile et les syndicats à la prise de décisions. Cela dit, l’État marocain a une histoire derrière lui. Une histoire assez solide pour ne pas être inquiété. Personne n’a intérêt à ce qu’il soit affaibli.
Bien au contraire… Il faut que chacun puisse contribuer à son niveau pour qu’il soit fort de la démocratie et de la suprématie de la loi. Autrement, le risque est grand que l’affaiblissement éventuel de l’État profite aux forces rétrogrades qui sont anti-démocratiques. Il faut savoir ce qu’on veut.