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Révolution Tunisienne : l’absence d’alternative immédiate à Ben Ali plonge le pays dans le chaos

Le peuple tunisien a fini par imposer sa volonté. Au terme de manifestations populaires sanglantes qui ont duré près d’un mois, Zine El Abidine Ben Ali a quitté le pouvoir à l’âge de 74 ans. A la tête du pays depuis 1988, l’ex-président tunisien, ayant fui, dans la nuit de vendredi à samedi, à Jeddah en Arabie Saoudite, a été déchu définitivement samedi 15 janvier. Le départ de Ben Ali a créé un précédent dans le Monde arabe. En fait, il s’agit du premier dirigeant arabe qui quitte le pouvoir sous la pression du peuple. Personne n’a cru que le déclenchement, le 19 décembre 2010, d’un mouvement social contre le chômage et la vie chère à Sidi Bouzid après l’immolation, le 17 décembre, de Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant, allait dégénérer en soulèvement populaire qui va conduire au départ du président tunisien. Dimanche 16 janvier, le couvre-feu a été allégé d’une heure dans l’ensemble du pays en «raison d’une amélioration de la sécurité», selon une source officielle citée par l’AFP. Pour sa part, l’armée reste déployée dans des endroits stratégiques de Tunis où des comités de vigilance ont été mis en place pour protéger les habitants. Les aéroports ont été réouverts mais la vie à Tunis est encore loin de reprendre son cours normal. Samedi, le Conseil constitutionnel a nommé Fouad Mebazaa, le président du Parlement, président par intérim et le Premier ministre sortant, Mohammed Ghannouchi, est chargé de former un nouveau gouvernement d’union nationale. M. Ghannouchi devait réunir, dimanche, des représentants des partis politiques et de la société civile pour désigner les personnalités chargées de conduire le processus de transition jusqu’aux élections. Ces dernières sont prévues dans un délai de 60 jours. La réunion devait décider de la mise en place de trois comités dont l’un chargé de proposer des personnes pour former le gouvernement d’union nationale. Suite aux actes de pillages qui ont eu lieu, vendredi, à Tunis, Ali Sériati, chef de la sécurité présidentielle de Ben Ali, et plusieurs de ses collaborateurs, ont été arrêtés pour complot contre la sûreté intérieure de l’Etat. Par ailleurs, Imad Trabelsi, neveu de l’épouse de l’ex-président Zine El Abidine Ben Ali, a succombé à une blessure à l’arme blanche à l’hôpital militaire de Tunis. Aussi, un neveu de l’ex-président tunisien, Kaïs Ben Ali, a été interpellé par l’armée à Msaken, dans la nuit de samedi à dimanche avec dix autres personnes qui «tiraient en tous sens» à bord de véhicules de police, selon des témoins cités par l’AFP. Ceci dit, les autorités saoudiennes maintenaient dimanche un black-out total sur le séjour dans le Royaume de Ben Ali. Aucune information n’a filtré sur le président déchu ni sur les membres de sa famille présents dans le Royaume. La discrétion était totale aussi bien dans les milieux officiels que dans les médias. Chassé du pouvoir après 23 ans à la tête de l’Etat, M. Ben Ali était arrivé en compagnie de six membres de sa famille, selon des sources concordantes. Dans un communiqué, le Cabinet royal saoudien avait annoncé avoir «accueilli le président Zine El Abidine Ben Ali et sa famille dans le Royaume (…) en considération pour les circonstances exceptionnelles que traverse le peuple tunisien». M. Ben Ali sera traité «comme un réfugié politique, et non comme un chef d’Etat», a expliqué l’influent analyste saoudien, Jamal Khashoqgi, sur la télévision satellitaire d’informations en continu Al-Arabiya. En relation avec la crise en Tunisie, les pays arabes ont plaidé, samedi 15 janvier, en faveur d’une transition pacifique en Tunisie. La Ligue arabe a demandé «à toutes les forces politiques, ainsi qu’aux représentants de la société tunisienne et aux officiels d’être unis pour le bien du peuple et pour instaurer la paix civile». Pour sa part, l’Egypte a préconisé l’unité et la sagesse pour éviter de voir le pays «plonger dans le chaos». Seul le colonel Mouammar Kadhafi a fait l’exception (voir encadré ci-dessous). Pour sa part, le gouvernement koweïtien respecte le «choix du peuple tunisien» et espère le rétablissement de la stabilité dans le pays. L’Organisation de la conférence islamique (OCI) a assuré dimanche sa solidarité au peuple tunisien qu’elle exhorte à «préserver la sécurité et la stabilité» du pays.


Un mois de contestation du régime

• 19-20 décembre 2010 : Début d’un mouvement social contre le chômage et la vie chère à Sidi Bouzid après l’immolation le 17 décembre d’un jeune vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, qui protestait contre la saisie de sa marchandise par la police. Violents affrontements entre forces de l’ordre et jeunes manifestants. Début d’une vague d’arrestations.
• 3 au 10 janvier 2011 : Les manifestations, qui s’étendent, sont marquées par des émeutes sanglantes notamment à Kasserine et Thala ainsi qu’à Regueb (près de Sidi Bouzid).
• 10 janvier : Ben Ali dénonce des «actes terroristes» perpétrés par des «voyous cagoulés».
• 12 janvier : Plusieurs morts dans des manifestations à travers le pays. Arrestation du chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit) Hamma Hammami. Libéré le 14 janvier. Affrontements sanglants dans la banlieue de Tunis malgré un couvre-feu nocturne.
• 13 janvier : Ben Ali s’engage à quitter le pouvoir en 2014 et ordonne la fin des tirs contre les manifestants. Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, au moins 66 personnes ont été tuées depuis le début des troubles.
• 14 janvier : Des milliers de manifestants, aux cris de «Ben Ali dehors», se rassemblent à Tunis et en province. Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi annonce à la télévision qu’il assure l’intérim de la présidence en remplacement de Ben Ali, qui a quitté le pays. Celui-ci arrive à Jeddah, en Arabie Saoudite, avec sa famille. Nuit de pillages et d’exactions à Tunis et sa périphérie ciblant particulièrement des propriétés de la famille de Ben Ali et des Trabelsi, sa belle-famille.
• 15 janvier : Le centre de Tunis est bouclé par la police et des véhicules de l’armée. Ben Ali définitivement écarté du pouvoir. Le Conseil constitutionnel nomme le président du Parlement Foued Mebazaa président par intérim. Le Premier ministre sortant Mohammed Ghannouchi est chargé de former un nouveau gouvernement d’union nationale. Réouverture des aéroports, des milliers de touristes rapatriés.
• 16 janvier : L’armée reste déployée dans des endroits stratégiques de Tunis. Première réunion en vue de la formation d’un gouvernement d’union devant conduire à des élections d’ici deux mois.

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