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Rhétorique de la terreur

Soixante-cinq intellectuels américains ont signé une lettre pour défendre la guerre menée par leur pays contre le terrorisme. Une traduction en français de cette lettre a été publiée dans «Le Monde» du 14 février. De quoi s’agit-il ? Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une apologie de la guerre. Pas de toutes les guerres, mais de celle menée par les USA. Les termes de cette lettre, ainsi que les raisons alléguées par ces intellectuels pour justifier l’engagement de leur pays dans « une guerre juste » surprennent la force que les signataires ont voulu donner à leurs arguments et par l’exclusivité de la «vérité» défendue.
L’argumentation de ces intellectuels repose sur un a priori expéditif et des prises de positions avancées comme des évidences. Exemple : «nous ne prétendons pas connaître les motivations de nos agresseurs et de leurs sympathisants. » En une phrase, ils expédient leur ignorance des mobiles des kamikazes du 11 septembre en usant, au passage, d’une paraphrase légère. Mais, ce qui est subordonné à cette petite coquetterie rhétorique montre qu’ils connaissent très bien les mobiles en question. Pour eux, ce sont les valeurs de l’Amérique qui ont été visées en même temps que les Twins Towers. Le texte avance ainsi à coups d’a priori sommaire et de déduction détaillée et fortement établie. Cette façon de faire défie toutes les lois de la logique, voulant faire de certaines vérités universelles des évidences que nul argument ne peut ébranler.
L’exercice de style n’est qu’un prétexte pour faire une démonstration du gigantisme militaire américain. Par ailleurs, deux raisons fondamentales justifient l’appel à la guerre des intellectuels américains : la défense du modèle américain comme unique et valable pour tous et la disculpation de la politique étrangère de leur gouvernement. « Nos valeurs (…) s’appliquent à tous sans distinction » écrivent-ils. Au nom de quelle loi veulent-ils appliquer les fondements propres à la constitution d’un pays à tous les peuples de la terre ? les justifications qu’ils donnent montrent que c’est au nom de la loi du plus fort. Les signataires de la lettre répondent aux personnes qui peuvent rejeter l’hégémonie du modèle unique : « Nous ne sommes pas d’accord avec ceux qui soutiennent que ces valeurs ne sont pas du tout universelles, mais spécifiquement américaines». «Nous ne sommes pas d’accord », la réponse est sans appel, et dans un texte qui loue les vertus de la guerre américaine, on peut supposer que cette guerre n’épargnera pas les peuples soucieux de préserver leur droit à la différence.
Les signataires enfoncent encore plus le clou : « Ce que nous appelons trop facilement les « valeurs américaines » n’est pas l’apanage de la seule Amérique : c’est l’héritage commun de l’humanité et donc un fondement possible de l’espoir en une communauté mondiale basée sur la paix juste».
La deuxième raison a trait à la justification de la politique étrangère américaine. Celle-ci ne peut être en aucun cas responsable des événements du 11 septembre.
Les signataires écrivent à ce propos: « En réalité, leurs (les kamikazes) griefs s’adressent fondamentalement non pas à notre gouvernement mais à ce que nous sommes ». Tous les Américains sont ainsi concernés par une agression qui vise leur personne et leur valeur.
En conclusion, il est légitime de s’étonner de cette apologie de la «guerre juste » qui complète l’appel à « la croisade » lancée par Bush et son discours manichéiste où il a désigné un « axe du mal ». Il ne faut toutefois pas faire l’insulte aux intellectuels américains en pensant qu’ils se chauffent tous au bois de la Maison Blanche.

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