À Genève où il ne fait pas vraiment beau avec un ciel criblé de nuages, quelque chose est en train de changer. Pour le Maroc. La 61ème réunion de la Commission des droits de l’Homme (ONU), qui touchera à sa fin le 22 avril, après plusieurs jours de travaux, était riche en événements en faveur de l’affaire du Sahara marocain. Le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a commencé par proposer la transformation de cette commission en conseil indépendant, ce qui répond aux aspirations des pays du Sud qui contestent souvent “l’utilisation des travaux de la commission pour des visées hégémoniques dixit Cuba, ou plus généralement la représentation très inégale. Jusqu’à ce jour, cette commission est composée de 53 Etats élus par les groupes régionaux pour trois ans et ne se réunit que 6 semaines par an.
La proposition de Kofi Annan de la remplacer par un conseil «constitué de membres dévoués et convaincus, plus représentatif et responsable» est aussi saluée par les multiples associations des droits de l’Homme présentes à Genève, comme un grand pas en avant pour l’action en faveur des droits de l’Homme. Le Maroc y a mené une offensive multiforme sanctionnée par un succès diplomatique immédiat et une meilleure connaissance des ONG internationales. Le succès diplomatique, c’est l’absence de toute résolution sur le Sahara et ce pour la première fois depuis 1980. Cette décision a été prise « après consultations avec le Maroc et l’Algérie». La commission a décidé de «reporter» le débat à la prochaine session. En clair, si le dossier n’est pas clos, la communauté internationale a décidé de le mettre de côté. Les observateurs y voient une véritable victoire de la diplomatie marocaine.
L’Algérie réussissait toujours à imposer une résolution consensuelle mais rappelait le droit à l’autodétermination d’une manière ou d’une autre. Ces résolutions étaient souvent des copies conformes de celles de l’Assemblée générale de l’ONU. Cette année, Alger après le camouflet de septembre où elle a eu une majorité d’abstentions contre sa résolution, a préféré visiblement s’abstenir. Selon des sources diplomatiques fiables, «Alger ne pouvait compter que sur 8 voix parmi les 52 ».
D’aucuns peuvent être tentés de mettre ce changement radical sur le compte d’un éventuel dégel diplomatique entre le Maroc et son voisin de l’Est. Les faits prouvent qu’il n’en est rien, bien que les voies de la diplomatie soient impénétrables. Comme à l’accoutumée, Marocains et Algériens se sont opposés à plusieurs reprises.
Dès le début lors de la semaine dite segment de haut niveau, l’allocution de Mohamed Bouzoubaâ, ministre marocain de la Justice, a donné lieu à un échange fort inamical. En effet, dans son discours axé sur les réalisations marocaines en matière des Droits humains et mettant en exergue la volonté du Royaume d’harmoniser ses lois avec le référentiel universel des droits de l’Homme, le ministre a mis l’accent sur les séquestrés de Tindouf et la situation des prisonniers marocains. La représentation algérienne a choisi de donner la parole à un diplomate de faible rang pour répondre, ce qui est contraire aux usages diplomatiques. Celui-ci, sur un ton virulent , a répété les litanies habituelles, suscitant un droit de réponse marocain mettant en lumière la tragédie de Tindouf.
Par ailleurs, lors du débat sur le droit des peuples à l’autodétermination, Driss Jazairy, représentant algérien, a soutenu que «la situation du dernier territoire non autonome d’Afrique restait pendante, malgré 51 résolutions et un plan des Nations unies (plan Baker) 15 fois amendé». Il a appelé à donner une impulsion à la résolution 1570 du 28 octobre. L’ambassadeur du Maroc a répliqué que « la perception algérienne de l’autodétermination est à géométrie variable, que le représentant algérien ne doit pas oublier qu’il existe dans son pays des camps de réfugiés dont les populations ne sont pas autorisées à sortir et que l’autodétermination doit commencer dans ses camps ». Ces deux citations fastidieuses sont importantes pour comprendre le récit du reste. L’Algérie n’a cessé de défendre ses protégés du Polisario tout au long des cinq semaines passées. Le dossier du Sahara en tant que tel n’était pas posé, c’est sur la question des violations des droits de l’Homme à Tindouf que les éclairages se sont portés. Or, Tindouf étant territoire algérien, le Polisario n’ayant aucun statut international, c’est Alger qui s’est retrouvé au banc des accusés. Ses représentants nient en bloc les violations, affirmant que les organisations humanitaires présentes sur le terrain démentent. Surtout l’ambassadeur d’Algérie a soutenu qu’Alger n’avait «aucune autorité sur ces lieux». Il a tout fait pour gêner le travail des ONG marocaines présentes, mais sans résultat. Autre innovation, plusieurs ONG marocaines ont fait le déplacement, parmi elles, deux associations, l’une des droits de l’Homme au Sahara et l’autre des familles des disparus des camps, ont fait énormément mal au Polisario, surtout qu’elles étaient accompagnées de plusieurs leaders d’opinion européens qui ont dénoncé le goulag de Tindouf.
L’AMDH, l’OMDH, l’UAF, le Forum Justice et Vérité ont à l’unisson pu de manière indépendante faire face à leurs vis-à-vis du monde entier mettant en relief les progrès réalisés par le Royaume en matière des droits de l’Homme. Là, les observateurs ont pu remarquer la cohérence du propos et la sincérité du ton adopté.
Un langage clair qui n’a pas manqué de faire mal au “Polisario“ . Sa caricature de la « Monarchie dictatoriale expansionniste » a vécu, elle ne fait même plus sourire. Le chant du cygne a commencé. À en juger par la moue indifférente du public des ONG, le discours pétri de propagande des séparatistes ne fait plus recette. D’ailleurs, ces derniers ont donné l’impression de baisser les bras. Le cœur n’y est plus.
• De notre envoyé spécial à Genève
Jamal Berraoui