Maintenant que les esprits semblent s’être apaisés à la suite du débat houleux suscité par les cahiers des charges des télévisions publiques, on peut espérer de voir s’installer un vrai débat d’idées, dans le calme et avec du recul et surtout avec une démarche de concertation beaucoup plus élargie. Le gouvernement et notamment le ministère de la communication, les partis de la majorité et ceux de l’opposition, le Parlement, les professionnels, la société civile seront tous appelés dans les jours et semaines qui viennent à se mettre autour d’une table pour discuter de ce que doit être notre télévision et ce que nous voulons en faire. Il ne s’agit pas d’un débat sur les attributions des institutions, ni sur la séparation des pouvoirs ni même sur la Constitution. Il ne s’agit pas non plus d’un duel entre partis ou entre modernistes et conservateurs. Il s’agit d’un débat entre Marocains de toutes les sensibilités, de toutes les régions, de toutes les catégories. C’est là le véritable challenge qui doit être relevé par le gouvernement car le processus qui a amené les nouveaux cahiers des charges, il faut le dire, s’est cantonné à une démarche purement légaliste. Le ministère de la communication est bien l’autorité de tutelle du pôle audiovisuel public et il a, dans l’absolu, tous les droits d’exercer cette tutelle. Sauf que pour le cas de la télévision, les enjeux sociétaux sont tels qu’on ne peut pas se limiter à une application froide et sèche des textes. Le Maroc, en tant que nation et société, a fait des choix irréversibles avec pour socle unique l’ouverture. Sa télévision doit par conséquent traduire fidèlement ces choix et doit aussi être connectée avec le Marocain d’aujourd’hui. Le débat qui va maintenant prendre place devra nécessairement prendre en considération ce Maroc riche par sa pluralité, sa diversité de régions, de langues, de référentiels, de modes de vie… Pour les langues, par exemple, réduire le débat à une dichotomie dominante, voire exclusive entre l’arabe et le français, serait complètement injuste. Et ces Marocains qui habitent l’arrière-pays, qui sont dans les montagnes de l’Atlas qui ne comprennent pas l’arabe classique, parfois pas même le darija et encore moins le français, doit-on les laisser en marge de ce débat ? Cette injustice est également à éviter quand on parle de régions. Aujourd’hui, la moitié de la population du pays se trouve dans le monde rural, dans les campagnes. Cette population n’a évidemment pas le même rapport à la télévision que les citadins. En dehors des grandes villes, quelles sont les attentes du Maroc profond vis-à-vis de la télévision publique ? Pour ne pas retomber dans les mêmes travers, et pour prendre en considération cette pluralité spatiale, le débat qui s’apprête à être ouvert doit associer des associations régionales et rurales. La pluralité est également dans le niveau d’instruction et les classes socioprofessionnelles. La télévision publique doit être un espace où se retrouvent les élites, les jeunes, les femmes, les professionnels et le Marocain lambda. La réussite de ce challenge repose sur un effort collectif. Le gouvernement doit faire un effort de concertation élargie quand bien même cela retarderait le projet de quelques mois par rapport aux délais légaux. Mais les responsables de la SNRT et de 2M doivent eux aussi faire un effort pour s’ouvrir sur des idées et des pistes nouvelles, pour donner la chance à toutes les potentialités de s’exprimer. Les composantes de la société civile doivent faire l’effort de venir s’exprimer.