Samedi 20 août 2005, jour de la commémoration de la Révolution du Roi et du Peuple, restera un jour mémorable pour les sœurs Laghriss. Sana’e et Imane ont pu respirer l’air de la liberté à la faveur de la grâce royale dont elles ont bénéficié à l’occasion de l’anniversaire de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
Les deux jumelles avaient été condamnées en 2003 à cinq ans de prison pour appartenance à la cellule terroriste de Rabat. Sana’e et Imane Laghriss font partie des 77 personnes ayant bénéficié de mesures de grâce royale à l’occasion de la célébration des deux fêtes nationales. L’on apprend ainsi, de sources judiciaires, que des mesures de grâce ont bénéficié à 70 personnes condamnées pour terrorisme à l’occasion de la commémoration de la Révolution du Roi et du Peuple, alors que sept autres font partie des 347 ayant été graciées à l’occasion de l’anniversaire du Souverain.
Réagissant à la grâce royale accordée à ses clientes, Me Abdelfattah Zahrach, dans un entretien avec ALM, s’est dit «plein de gratitude à Sa Majesté le Roi, surtout qu’il s’agit de deux adolescentes victimes de l’idéologie terroriste et obscurantiste». L’avocat a lancé un appel à la société civile pour «adopter» les deux jumelles qui se trouvaient toujours, hier 21 août, au centre Abdeslam Bennani à Casablanca. A en croire Mme Assia Elouadie, chargée du Centre de réforme pour jeunes délinquants, les sœurs Laghriss, vu qu’elles sont mineures et que leur mère pourrait être incapable de les prendre en charge, se verront appliquer la procédure en matière d’enfants en situation précaire.
Par cette grâce royale, les sœurs Laghriss ne seront plus poursuivies dans le cadre d’un autre procès en instruction pour atteinte aux valeurs sacrées de la nation. La mesure royale a fait des heureux un peu partout parmi les repentis de la mouvance intégriste. L’on apprend ainsi, faute de liste officielle, que trois personnes ont pu quitter Oukacha: les sœurs Laghriss, mais aussi l’avocat Ahmed Filali Azmiri. Ce dernier avait été condamné en 2003 pour lien avec une organisation terroriste. A 62 ans, Filali Azmiri retrouve la liberté grâce à Sa Majesté le Roi.
Selon des éléments réunis par «Annassir» (Association défendant les prisonniers islamistes), 17 personnes condamnées pour terrorisme ont été libérées de la prison agricole d’Outita (Sidi Kacem). Deux autres personnes ont bénéficié des mêmes mesures de grâce à Fès : Fouad Boussaâdani et Mostafa Tahraoui. A Meknès, le geste royal a permis à deux autres personnes de quitter leurs cellules. Il s’agit de Mohamed Laâmim et Mohamed Al Atrassi alors qu’à Marrakech, c’est un professeur universitaire qui retrouve les siens hors des parloirs : Abderrazzak Merzouk condamné le 25 juin 2004 par la Cour d’appel de Rabat à trois ans de prison. A Tanger, trois «repentis» figurent sur la liste des heureux bénéficiaires de la grâce royale. Il s’agit, entre autres, de Saïd El Berrak et Ahmed Brimi.
Ce dernier avait été condamné à six ans de prison ferme. Outre cinq autres personnes incarcérées à Agadir et libres depuis samedi, le plus gros lot de personnes graciées parmi les membres de la Salafiya provient de la prison civile de Salé. Parmi les bénéficiaires de la grâce royale, figurent Abdelkébir Sikel (condamné à 5 ans) et Mohamed Elhadri qui purgeait une peine de huit ans. Mais surtout Abdelkader Labssir. Ex-détenu islamiste ayant purgé une peine de 10 ans suite à une condamnation par le tribunal militaire permanent, Labssir a été condamné à 16 de prison pour son rôle dans la cellule de Rabat et ses plans. Cette même cellule qui a été à l’origine de la «perte» des sœurs Laghriss.
Selon le ministère de la Justice, ces personnes ont bénéficié de mesures de grâce royale après étude de leurs demandes et dossiers et après qu’il ait été constaté qu’elles ont rompu avec l’idéologie de la haine obscurantiste et exprimé le désir d’une nouvelle chance pour une nouvelle vie.
Le soulagement chez les familles de personnes graciées est indescriptible, nous déclare Abderrahim Mouhtade. Pour le président de l’association «Annassir», les familles des autres détenus condamnés pour terrorisme tablent sur cette initiative royale qualifiée de «début du dénouement». Pour plusieurs autres personnes, encore en détention, affirme Mouhtade, la mesure royale est un signe d’espoir et des demandes allaient être formulées dans l’avenir par ceux qui ne l’ont pas encore fait. Ce sera le cas, entre autres, des terroristes détenus à Kénitra et figurant parmi les plus radicaux.
Toutefois, affirme-t-on au ministère de la Justice, plusieurs détenus de Kénitra ont remis des demandes de grâce sauf que leurs dossiers étaient incomplets ou alors ne remplissaient pas assez de conditions pour faire partie des 77 libérés. L’année dernière, des mesures de grâce royale avaient bénéficié à 44 prisonniers condamnés en vertu de la loi antiterroriste. Avec la célébration des deux dernières fêtes nationales, le nombre des « repentis» libérés est porté à 121.