Bientôt, les fonctionnaires de l’Etat seront rudement sanctionnés pour les actes de torture exercés lors ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. L’appareil législatif vient de se saisir, dans ce sens, d’un projet de loi qui scellera les engagements internationaux du Maroc en matière de lutte contre la torture, autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants concernés par la Convention de 1949. Le projet de loi 43-04, déjà examiné en commission à la première Chambre du Parlement, viendra compléter le Code de la procédure pénale et notamment l’article 231.
La définition donnée dans ce projet de loi à la torture qualifie cette dernière de tout acte débouchant sur une souffrance physique ou morale dont est responsable un fonctionnaire de l’Etat, dont il est l’instigateur ou qui est perpétré avec son accord contre une personne pour la punir, l’intimider ou la pousser aux aveux. C’est également valable pour les pressions exercées sur une personne pour pousser un tiers à donner des informations ou faire des aveux. Ces actes sont punis par des peines de prison allant de cinq à 15 ans assorties d’amendes de 10.000 DH, mais qui peuvent atteindre 30.000 dirhams. Ces peines de prison passent de 10 à 20 ans (avec des amendes de 20.000 à 50.000 DH) si la torture est exercée contre un magistrat, un agent des forces publiques ou un fonctionnaire de l’Etat lors de l’exercice de leurs fonctions. Les mêmes peines et amendes seront le lot de toute personne convaincue de torture contre un témoin, une victime ou une partie civile pour les dissuader de recourir à la justice ou pour avoir donné une déclaration. Ces sanctions sont aussi applicables aux groupes coupables de torture ou participation et surtout, pour toute personne, dans le cas de préméditation ou d’usage d’armes.
Ce texte va plus loin pour prévoir la réclusion à la perpétuité contre les tortionnaires de mineurs ou de personnes diminuées par un handicap, une maladie ou par leur âge. La même peine est prévue pour des actes de torture contre une femme enceinte ou aux cas où ces actes sont précédés, accompagnés ou suivis d’un viol. En cas de décès, sans intention de donner la mort, la peine prévue va de 20 à 30 ans alors que la prison à perpétuité est prévue dans les cas prémédités ou dans celui impliquant l’usage d’armes.
Les coupables, en plus, sont privés d’un ou plusieurs droits (prévus par l’article 26 du Code de la procédure pénale) pour une durée de 2 à 10 ans. Après examen en commission, les partis politiques ont été appelés à déposer leurs amendements et remarques au sujet de ce texte le 19 septembre prochain au secrétariat de la commission de la législation, de la justice et des droits de l’Homme.
Une fois adopté de manière définitive, ce texte de loi permettra au Maroc de figurer parmi les pays ayant banni et criminalisé la torture dans leurs législations nationales. Un espoir permis depuis l’adoption en Conseil de gouvernement en décembre 2004 de ce projet de loi. La concrétisation est dans quelques mois. L’autre grande nouveauté dans le domaine des droits de l’Homme nous vient de l’IER qui s’apprête à clore, en beauté, son mandat. L’Instance présidée par Driss Benzekri organise, du 30 septembre au 2 octobre prochain à Rabat, un grand forum national sur la réparation. Il s’agit de compléter tout l’édifice initié depuis sa mise en place par une grande rencontre nationale dédiée notamment à la réparation collective. Selon les responsables de l’IER, l’objectif visé par ces journées est de mettre ensemble toutes les parties concernées pour grande réflexion sur la manière de procéder à une réhabilitation communautaire des régions et communes touchées, d’une manière ou d’une autre, par les graves violations des droits de l’Homme : marginalisation socio-économique, proximité fatale avec les centres de détentions secrets…La philosophie qui préside à la tenue de ce forum provient de ce que la réconciliation, souhaitée et recherchée par tous, ne saurait se limiter aux personnes, mais s’étendre aux dimensions «genre», «santé» ou «préservation de la mémoire», entre autres.
A l’IER, on affirme que la partie diagnostic est bouclée avec les investigations et les concertations menées dans les localités en question pour définir les besoins et lacunes à combler. Reste, lors de ce forum national, à réfléchir à la meilleure manière de réhabiliter les localités concernées, mais aussi des lieux chargés de mémoire. Toutefois, le rôle de l’IER se limite à celui de «facilitateur» et de «metteur en réseau». Il est question de réunir ONGs des droits de l’Homme et associations féminines, les ONGs de développement local, départements ministériels concernés, bailleurs de fonds nationaux et internationaux… pour une grande concertation nationale. Et surtout pour un maximum de mobilisation. Lors de ce forum, les participants auront l’occasion de prendre connaissance de ce qui a été fait, en matière transitionnelle en général et pour la réparation collective en particulier, dans d’autres pays du monde. Comme il y sera aussi question de l’après-IER notamment en ce qui concerne la recherche des mécanismes de suivi les plus adéquats. Les travaux de ce forum, qui verra la participation d’experts de l’ONU et du Centre international de justice transitionnelle, se dérouleront en plénières et en ateliers avec des thématiques bien précises allant des aspects «mémoire et histoire» à l’aspect «développement durable».