Dans un monde en profonde mutation depuis la crise sanitaire, les relations géostratégiques connaissent des changements importants sur les plans militaire et sécuritaire. Le Royaume, doté d’une position géographique stratégique est de plus en plus sollicité. Eclairages.
Trois alliés importants courtisent le Maroc pour approfondir la coopération militaire. La France, les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni aspirent à un renforcement des relations sécuritaires dans une région sujette à une profonde réorganisation. Une situation qui met le Royaume devant un «embarras» du choix. La France, partenaire de longue date du Maroc, est résolument engagée dans une refondation des relations bilatérales sur des bases solides pour les prochaines décennies. L’aspect militaire et les dossiers sécuritaires sortent bien évidemment du lot dans le cadre de cet effort de réorganisation. Les deux parties comptent ainsi sur la visite d’Etat du président français pour donner un nouvel élan à cette coopération. Une visite d’Etat en deux temps. Si la première visite effectuée à Rabat par Emmanuel Macron était éminemment économique, la phase deux prévue avant la fin de cette année à Paris cette fois-ci pourrait traiter des dossiers stratégiques pour les deux partenaires dans la région. Dans ce sens, le nouveau partenariat renforcé entre le Maroc et la France, annoncé après la visite d’Etat effectuée par le président français au Maroc en octobre 2024, est appelé à franchir un nouveau palier au cours de 2025. L’accent sera mis sur des domaines particuliers et stratégiquement déterminants sur les plans régional et continental. Pour rappel, Sa Majesté le Roi avait été invité par le président Emmanuel Macron à signer un nouveau «cadre stratégique» bilatéral en 2025 à Paris à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration qui scella l’indépendance du Maroc, à la Celle-Saint-Cloud le 6 novembre 1955. Pour rappel, les deux Chefs d’Etat sont convenus de superviser directement le suivi du «Partenariat d’exception renforcé» entre le Maroc et la France. Ils en fixeront les priorités et donneront les impulsions nécessaires à son plein déploiement. Ils suivront régulièrement, y compris en se réunissant en tant que de besoin, les progrès du «Partenariat d’exception renforcé». Ils sont convenus de désigner un comité stratégique de suivi, paritaire et restreint, chargé de formuler toute proposition de nature à permettre l’approfondissement continu du «Partenariat d’exception renforcé». Le comité complètera, sans les remplacer, les instances préexistantes de pilotage des coopérations bilatérales.
USA
De son côté, le pays de l’Oncle Sam est désireux d’aller de l’avant dans son partenariat militaire avec le Maroc. Lors du premier mandat de l’actuel président US, Donald Trump, les deux pays avaient signé en octobre 2020 un accord de défense qualifié «d’historique» des deux côtés de l’Atlantique. Intitulé «Feuille de route pour la coopération en matière de défense 2020-2030 entre le Royaume du Maroc et les Etats-Unis d’Amérique», cet accord a été signé à l’occasion de la visite à Rabat de l’ancien chef du Pentagone, Mark Esper. Cette feuille de route décennale vise ainsi à consolider la coopération militaro-sécuritaire et à appuyer la décision Royale de renforcer l’industrie militaire nationale, le Maroc étant un acteur clé contribuant à préserver le climat de sécurité et de stabilité en Afrique du Nord et au flanc sud de la Méditerranée. Pour le Pentagone, cet accord a permis de «renouveler l’alliance entre les deux nations comme pierre angulaire pour la paix en Afrique». Les thinks tanks américains accordent une place importante à l’alliance avec le Maroc. C’est le cas pour The Heritage Foundation, think tank influent à Washington, qui avait publié un point de vue intitulé «Réinitialiser la politique américaine en Afrique de l’Ouest», de Amine Ghoulidi, chercheur à l’Institut Shelby Cullom Davis pour la sécurité nationale et la politique étrangère de Heritage. Ce dernier avait préconisé de rassurer les partenaires européens expliquant qu’une «présence élargie des États-Unis en Afrique du Nord et de l’Ouest devrait être recherchée d’une manière qui complète, plutôt que de nuire, à ces engagements existants. En expliquant que le renforcement de la coopération américaine avec la Mauritanie ou le Maroc peut constituer un pilier de la stabilité régionale renforçant la sécurité collective, les États-Unis pourraient apaiser les inquiétudes potentielles de leurs partenaires». Et de poursuivre: «Le revers au Niger devrait catalyser une «réimagination» de la manière dont les États-Unis poursuivent leurs objectifs dans la région. En s’engageant dans des partenariats adaptatifs et durables, tels que l’élargissement de la coopération avec des pays stratégiquement situés comme le Maroc et la Mauritanie, les États-Unis garantiront leurs intérêts et promouvront la sécurité régionale».
Royaume-Uni
Pour sa part, le Royaume-Uni n’hésite plus à demander ouvertement à travers de hauts responsables «british» de conclure un accord de défense avec le Maroc. Dans une démarche symbolique, de hauts responsables britanniques avaient fait le déplacement à l’ambassade du Maroc à Londres à l’occasion des festivités pour la Fête du Trône. Sir Clive Alderton, secrétaire particulier du Roi britannique, a rappelé dans un discours prononcé pour l’occasion en juillet dernier les liens particuliers qui unissent les deux familles royales, déclarant : «Le Royaume-Uni est honoré de reconnaître les 800 ans de relations avec nos deux Royaumes, renforcées en permanence par nos familles royales». Lord Vernon Coaker, ministre d’État au ministère de la défense, a conclu : «Nous sommes impatients de renforcer notre partenariat dans le domaine de la Défense et dans tous les autres secteurs et nous sommes privilégiés de nous associer au Royaume du Maroc alors qu’il se lance dans un voyage passionnant de croissance et d’innovation». Ce sont donc trois acteurs mondiaux qui veulent renforcer la coopération militaire avec un impact indéniable sur le plan géostratégique.
Coopération. Sur Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi, Chef Suprême et Chef d’État-Major Général des Forces Armées Royales (FAR), l’exercice «African Lion 2024» avait été conjointement conduit, pour la vingtième fois, par les FAR et leurs homologues américaines, du 20 au 31 mai 2024 au niveau de Benguérir, Agadir, Tan-Tan, Akka et Tifnit. Environ 7000 éléments des forces armées provenant d’une vingtaine de pays en plus de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ont pris part, au Maroc, aux côtés des Forces Armées Royales et des Forces armées américaines, à ces manœuvres militaires d’envergure. L’exercice «African Lion 2024» comportait plusieurs activités dont des exercices tactiques, terrestres, maritimes et aériens, combinés, de jour et de nuit, à un exercice des forces spéciales, des opérations aéroportées, ainsi qu’un exercice de planification opérationnelle pour les cadres des États-majors de la «Task Force». La vingtième édition de l’exercice African Lion comprenait également un cycle de formations académiques, organisé en préparation à l’exercice, des entraînements de lutte contre les armes de destruction massive et un ensemble de prestations médico-chirurgicales et sociales fournies au profit de la population de la région d’Akka par un Hôpital militaire de campagne, relève la même source. Contribuant au renforcement de l’interopérabilité opérationnelle, technique et procédurale, entre les armées participantes, l’exercice «African Lion 2024», le plus grand exercice conduit en Afrique, reste un rendez-vous incontournable où se côtoient les cadres militaires pour échanger les procédures et les expériences notamment en matière de formation et d’entraînement interarmées combiné. Cette vingtième édition témoigne de la pérennité qui caractérise la coopération entre les Forces Armées Royales et les Forces Armées Américaines à l’image des liens historiques et solides qui lient les deux pays, avait précisé l’État-Major Général des FAR.