La relance de l’activité économique, la réponse aux besoins pressants des citoyens, et particulièrement les plus démunis, le renforcement de l’Etat de droit et des institutions démocratiques nécessitent, incontestablement, une action gouvernementale efficace et profonde et un travail de longue haleine. Or, et c’est l’une des particularités de ce gouvernement, le Premier ministre se devra d’agir vite, de mettre en oeuvre rapidement sa politique, pour être à même de convaincre et de mobiliser. C’est dire que l’année 2003 sera, pour ce gouvernement, une année cruciale permettant soit d’imprimer un rythme de travail autrement plus fort et d’engager une dynamique de progrès, soit de s’en tenir à une gestion aussi sérieuse soit-elle de la léthargie et de l’immobilisme, ouvrant la voie à tous les désespoirs et à tous les dangers. Il serait présomptueux et déplacé de s’ériger en donneur de leçons, mais, pour répondre à l’aimable invitation de ALM, essayons de nous plier au délicat exercice de formuler “trois priorités pour 2003”.
Aujourd’hui dans notre pays, se pose avec acuité, à côté du nécessaire renforcement de l’Etat de droit et des institutions, la question de l’efficience de l’Etat :un Etat en mesure de prendre des mesures efficaces et optimales, d’assurer leur mise en oeuvre et d’évaluer les résultats. Si nombre d’aspects en relation avec la gouvernance dans notre pays ont été largement étudiés, et si de nombreux secteurs disposent aujourd’hui d’orientations stratégiques, il reste que, manifestement, la conduite et la gestion des changements, en tant que phase décisive de mise en oeuvre des orientations énoncés, pose quelques problèmes, ayant été sous évaluée et n’ayant pas retenu toute l’attention nécessaire. La gestion des changements nécessite une démarche méthodique et systématique d’analyse, de détection, de mobilisation, de responsabilisation et d’innovation, à contre-courant d’une conduite des réformes par décrets et circulaires, et constitue la base d’une nouvelle approche administrative.
Le rôle d’un Premier ministre est, dans cette optique, déterminant :la conduite et la gestion des réformes, à commencer par les secteurs prioritaires, doit être le fait du Premier ministre lui même par une implication directe et méthodique, sans comparaison avec la superficialité et la bureaucratie des commissions interministérielles, ni le ridicule des grandes messes télévisées, pompeuses et sans lendemain.
Ce serait un signal fort d’une nouvelle culture de gouvernance basée sur l’efficacité, le mérite, l’équité et l’effort, et en rupture avec l’incompétence, le clientélisme et le copinage. Seconde attente :les priorités en 2003. Les objectifs prioritaires de la législature tracés, par le discours de S.M. le Roi devant le Parlement en octobre dernier et par la déclaration gouvernementale, se trouveront nécessairement confrontés aux immenses attentes multiformes aussi bien des opérateurs économiques, que des partenaires politiques et sociaux et des citoyens. Sans échancier précis et des objectifs annuels clairs, le Premier ministre sera prisonnier d’un arbitrage diluant l’effort et limitant l’impact de sa politique. Les grands travaux d’infrastructure, le bâtiment et l’habitat, l’école et la formation, et le financement de la PME constituent, à notre avis, pour cette année 2003, des chantiers prioritaires.
Troisième attente :2003 sera une année d’élections, nécessitant une mobilisation des partenaires politiques. Cependant, le monde politique, dans sa diversité, a quelque peu souffert, non pas de la nomination d’un Premier ministre non partisan, mais plutôt d’une campagne menée avec hargne, parfois haineuse, contre tout ce qui est politique. Pourtant, ni l’incompétence, ni le clientélisme ne sont l’apanage des seuls politiques :on les retrouve de haut en bas et de gauche à droite. Alors, si l’objectif est d’éloigner de l’action politique ceux qui croient encore en une action noble, au service du pays, imaginez les dégâts d’un face-à-face de l’Etat avec l’opportunisme et l’obscurantisme. La réhabilitation du politique est, de ce fait, une nécessité.
• Amine Sbihi
Secrétaire général du CERAB
Centre d’Études et de Recherches Aziz Belal