Les Etats n’ont pas la même perception de l’addiction aux drogues. Le Pr Hakima Himmich qui a attiré l’attention sur l’approche fondée sur le droit à la santé lors de la conférence de Rabat dont elle a été l’une des instigatrices, a nettement exprimé sa conviction que la solution sécuritaire n’en est pas une. A l’instar de la prohibition qui a fait naître des distilleries clandestines dans tout le territoire des Etats-Unis et même dans les pays voisins, les politiques prohibitionnistes constituent un lit pour l’addiction plutôt qu’un frein. Selon Mme Himmich, elles entraînent un phénomène de transfert vers des produits de substitution souvent plus dangereux. La Pr Carrieri, spécialiste européenne des questions liées à la drogue, qui soutient le même avis, pense que la prohibition est une perte de temps et d’argent et, en plus d’être inutile, aggrave les discriminations dont sont victimes les usagers de drogue. Son exposé sur «l’impact économique et sanitaire de la criminalisation de l’usage de drogue» a établi l’inanité de telles approches. La criminalisation qui déclare l’usage de drogue illégal et le fait qu’il ne soit plus sanctionné par des atteintes à la liberté, sont des impasses. Ce qu’il faut, selon elle, c’est une approche à la portugaise qui dépénalise l’usage personnel en prenant en charge l’usager. C’est en fait à quoi appelle la déclaration de Vienne. Ce document établit en effet que la criminalisation des utilisateurs de drogue illicite alimente l’épidémie de VIH, ce qui nuit à la santé de la société dans son ensemble. Pour les rédacteurs de ce document, c’est d’une réorientation complète des politiques suivies dans le domaine que le monde a besoin. Car, estiment-ils, «les données indiquent clairement que le nombre des pays dans lesquels les personnes s’injectent des drogues illégales est à la hausse et que les femmes et les enfants sont de plus en plus touchés». Aussi la déclaration de Vienne enjoint-elle à la communauté internationale, y compris l’ONU, de changer radicalement de politique en adoptant une approche de santé publique basée sur des données scientifiques et mettant à contribution les communautés touchées à tous les stades de sa mise en œuvre. De plus, ont dit les rédacteurs de la déclaration, nous en appelons au SG de l’ONU, M.Ban Ki-moon, afin qu’il mette en place des mesures d’urgence visant à faire en sorte que les Nations Unies, y compris l’organe international de contrôle des stupéfiants, s’expriment d’une seule voix pour appuyer la décriminalisation des usagers et l’adoption de stratégies de lutte basées sur des données probantes.