Dans une interview livrée à ALM dans son numéro 561 du mercredi 21 janvier 2004, Ahmed Mernissi, président démissionnaire du MAS, a ouvertement accusé les joueurs de corruption. Il a dit textuellement qu’ils étaient soudoyés pour lever le pied. Autrement dit, les jeunes joueurs du MAS ont touché de l’argent pour perdre face à l’ASS par cinq buts à zéro.
Dans d’autres pays où le sports et le sportif sont respectés, ce genre de déclaration aurait soulevé un grand tollé, et aurait certainement atterri au Parlement devant les représentants de la nation pour en discuter. Une grave accusation comme le confirment certains adhérents du club fassi qui est infondée et sans aucune preuve. Les choses n’auraient certainement pas atteint ce degré d’abjection s’il y avait un ministère de tutelle. Car la formation alignée par le MAS lors de la rencontre sus-citée, était composée dans sa majorité de jeunes, voire de très jeunes joueurs qui ne cherchaient qu’à être à la hauteur du maillot qu’ils endossaient. Qui est en mesure de demander des explications à un dirigeant ou à une instance qui outre-passe ses prérogatives et se permet d’interpeller les médias officiels du pays pour leur livrer une vision qui pourrait se révéler fausse en fin de compte ? Depuis la disparition du ministère de la Jeunesse et des Sports, le phénomène de désertion et de fugues de potentialités sportives nationales a connu une grande recrudescence.
Toutes les disciplines ou presque ont eu leur part de défection. Du rugby féminin, au hand-ball en passant par l’athlétisme et le football. C’est comme une sorte de débandade qui a frappé de plein fouet tout le secteur. Dans le même ordre des choses, il faut reconnaître que les performances de nos athlètes n’ont jamais été aussi médiocres toutes disciplines comprises.
Le Maroc a été absent de la Coupe du monde 2002, et même au niveau de l’Afrique où autrefois les Lions étaient craints, notre sélection n’a pas réussi à dépasser le stade du premier tour depuis des années déjà, avec toute la pléiade de professionnels qu’elle englobait. La dernière édition des mondiaux d’athlétisme de Paris a connu la plus mauvaise des prestations des athlètes marocains avec une très maigre récolte de médailles, alors que notre histoire et notre réputation dans cette discipline est louée par le monde entier. D’un autre côté, jamais une débandade de la dimension de ce qui s’est passé lors de ces deux dernières années n’avait eu lieu. Des clubs de renom qui présentent des forfaits et menacent de disparaître, des dirigeants qui se disputent à longueur d’année sur fond de clanisme et de mesquineries. La situation a tellement empiré que les responsables sportifs d’autres pays, notamment ceux du Golfe, se sont tournés vers le Maroc pour y puiser des talents à la pelle, à coups d’offrandes en devises ou en naturalisation. Il faut qu’un secteur soit sérieusement traumatisé pour que des gens viennent de si loin «s’approvisionner» de talent brut.
La triste réalité c’est que le sport est orphelin depuis la disparition du ministère de la Jeunesse et des Sports. Il n’y a plus de responsable incarnant le rôle d’interlocuteur, qui supervise les décisions relatives à un secteur des plus vivaces dans la société.
Le gouvernement Driss Jettou a dissous le ministère des Sports sans se hâter de le remplacer. On a bel et bien entendu parler d’un Haut Commissariat qui serait chargé des sports, mais depuis, le sport n’a toujours pas de «moniteur» officiel, sauf un secrétaire général fantôme. En principe c’est le secrétariat d’Etat chargé de la Jeunesse (sans sport) qui devrait s’occuper du sport. Il n’en est rien, jusqu’à présent, à part quelques manifestations et courses estudiantines. Sur un autre volet, davantage plus sensible et plus important, notre pays brigue l’organisation de la Coupe du monde. Si l’association chargée de promouvoir la candidature du Maroc pour abriter le Mondial 2010 est en pleine effervescence pour capitaliser le peu d’avantages sur nos rivaux, dont le monde commence à s’apercevoir, l’absence du terme même de sport dans la hiérarchie gouvernementale risque de nuire considérablement aux ambitions nationales.
Aucune raison n’est plausible quant à la disparition d’un ministère des Sports dans un temps où le sport est à même de façonner l’image de tout un pays, notamment sur le plan économique et touristique. Ce n’est certainement pas un secrétaire général d’un ministère inexistant qui va pallier ces défaillances.