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Création de jeux vidéo: Une industrie lucrative que les politiques ignorent

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Dans l’imaginaire collectif au Maroc, quand on dit qu’on crée des jeux vidéo, la plupart des gens pensent d’abord à une bande d’adolescents collés à leurs consoles.

Qu’est-ce qui bloque l’envol du gaming dans le Royaume? Pour répondre à cette question, ALM a fait appel à deux spécialistes. L’un est expatrié, tandis que l’autre opère au Maroc. Tous les deux s’accordent à dire que si cette industrie est prise très au sérieux à travers le monde, elle demeure le cadet des soucis de nos décideurs.  Sans tourner autour du pot, le concepteur de jeux vidéo et co-fondateur du collectif Moroccan Game Developers (MGD), Yassine Arif, rappelle les premiers pas de cette industrie au Maroc. Pour lui, le Maroc a été initiateur dans ce domaine avec l’installation en 1999 d’Ubisoft, un distributeur et développeur de jeu vidéo multinational. «Ce fut une première pour toute la région africaine et MENA. On a eu droit aussi à la première et dernière formation dédiée au développement de jeux vidéo (Campus Ubisoft) dont je suis lauréat et qui avait pour but de former une élite dans le secteur. Malheureusement, le projet est tombé à l’eau après la deuxième promotion à cause de la crise économique», regrette-t-il.

Ce jeune développeur de  27 ans adosse ces échecs au manque de «rigueur et de suivi» de la part du Maroc. «Ubisoft ne peut pas porter à elle seule toute une industrie», avait-il précisé. Alors que le Maroc était précurseur, c’est aujourd’hui  Ubisoft Canada qui porte haut le flambeau. Un succès dû à l’accompagnement gouvernemental de cette industrie et à la création d’un écosystème compétitif. Sur ce point, il est intéressant de s’arrêter sur la perception du gaming au Maroc.  Si l’on se réfère à la description caricaturale faite par Alaa-eddine Kaddouri, fondateur d’un studio de développement de jeux vidéo basé en France, «dans l’imaginaire collectif au Maroc, quand on dit qu’on crée des jeux vidéo, la plupart des gens pensent d’abord à une bande d’adolescents collés à leurs consoles. Les responsables, quant à eux, regardent cela comme un passe-temps, sans grand intérêt pour l’économie» (voir interview page 13).

Candy Crush génère le ¼ des revenus des phosphates !

Ce qui semble être négligé (ou ignoré) est justement cette économie d’échelle que représentent les jeux vidéo.  A l’échelle mondiale, les jeux mobiles génèrent à eux seuls presque 23 milliards de dollars.  Avec une croissance moyenne estimée à 10%, ce créneau est appelé à se développer davantage et les perspectives d’ici 2018 s’annoncent phénoménales. Selon Alaa-eddine Kaddouri, le très célèbre jeu Candy Crush Saga a généré plus de deux milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2015,  soit plus du quart de ce que génère le phosphate au Maroc.

«Mieux encore, quand on calcule le revenu net, ce seul jeu dépasserait les revenus nets du phosphate marocain», indique-t-il tout en tempérant : «Je ne suis pas en train de dire que le jeu vidéo devrait remplacer le phosphate au risque de me voir accusé de comparer des pommes et des poires, mais je donne ici des ordres de grandeurs pour avoir une idée de ce que représente réellement cette industrie». Concernant les fonds pour les start-up de jeu vidéo, Yassine Arif précise qu’aucun fond n’a été levé à l’exception du cas de Rym Games qui ont pu bénéficier de 2,8 MDH. Une somme jugée insuffisante, comparé à l’envergure du projet qu’ils veulent développer. «Coté RH, il n y a pas encore assez de talents pour recruter, c’est tout un apprentissage qu’il faut faire. C’est d’ailleurs l’une des missions du MGD». Là encore se pose le problème d’émigration des ressources humaines. Une réalité qui pénalise ce business, d’autant plus que des profils marocains font fureur avec des créations à gros succès mondial. Tel est le cas de Mohamed Gambouz qui est derrière la direction artistique d’Assasin’s Creed ; une grosse franchise d’Ubisoft. Si l’on veut profiter de ces créatifs, il n’y a pas de solution miracle. «Il faut créer des opportunités en poussant l’esprit entrepreneurial des développeurs pour se lancer dans le gaming plutôt que d’attendre qu’un studio multinational les embauche. Il faut faciliter la création d’entreprise surtout dans un secteur qui évolue rapidement,  supporter les start-up du gaming par des fonds d’aide, et finalement enlever tout blocus technologique et administratif qui empêche le décollage de l’industrie».

Maintenant que le doigt est mis sur les maux de cette industrie, les décideurs sont appelés à la prendre enfin au sérieux. La bonne nouvelle est que les success stories, qui demeurent absentes pour l’instant, ne tarderont pas à s’afficher et c’est le collectif MGD qui s’y penche. «Les success stories sont l’une des priorités du MGD cette année. Nous souhaitons qu’une société réussisse à l’échelle régionale ou mondiale pour donner l’exemple aux jeunes mais aussi pour sensibiliser les pouvoirs publics à l’importance de cette industrie», conclut Yassine Arif qui est, au passage, fondateur de TheWallGames, une jeune start-up qui dévoilera prochainement son jeu «Z7am» destiné au marché marocain.

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