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Leadership d’opinion : Il est grand temps pour nous de commencer à reconsidérer notre vision de la compétence

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Là où l’impact de transformation de la 4IR se fait le plus sentir, c’est bien dans le monde professionnel. Les technologies émergentes sont en train de changer de manière radicale notre rapport au travail.

Par Martin Ndlovu (*)

La quatrième révolution industrielle (4IR) et son impact sont aujourd’hui sur toutes les lèvres. La 4IR est l’ère de l’intelligence par excellence : elle est marquée par l’existence d’un chevauchement sans cesse croissant entre le monde physique et technologique. Des technologies incroyables telles que l’IA, l’apprentissage machine, le cloud, ou encore la robotique sont aujourd’hui en train de modifier en profondeur notre manière de vivre et de travailler.
Mais là où l’impact de transformation de la 4IR se fait le plus sentir, c’est bien dans le monde professionnel. Les technologies émergentes sont en train de changer de manière radicale notre rapport au travail.

Il ne s’agit pourtant pas d’une tendance réellement nouvelle. Il est clair que le monde du travail et des compétences a connu une mutation extraordinaire lors de ces 5 dernières années. Mais si l’on remonte dans le temps jusqu’au premier grand bouleversement qu’avait connu l’emploi, on s’arrêtera sûrement à la période de la première révolution industrielle.

Comprendre le passé pour donner un sens à l’avenir

La première révolution industrielle a profondément réussi à marquer le destin de l’humanité. Avec elle, nous sommes passés d’un mode de vie essentiellement agraire vers un mode de vie façonné par les machines (où l’agriculture et la production manuelle ont fait place à la force mécanique).
L’introduction de la machine à vapeur et des vérins hydrauliques avait entraîné des changements très importants. A l’époque, le nombre d’emplois non qualifiés s’en était trouvé diminué ; en contrepartie, toute une série de nouveaux emplois avait vu le jour (après tout, il fallait des mécaniciens pour actionner les machines !).
Cette première révolution industrielle a été suivie d’une deuxième révolution : celle de la science et de la production de masse. Elle fut elle-même suivie d’une troisième révolution : celle du numérique. Aujourd’hui, nous sommes en plein cœur d’une toute nouvelle révolution : celle de la 4IR, c’est-à-dire de la technologie. Si la première révolution industrielle avait été accompagnée d’une perte d’emplois (car les machines devenaient plus sophistiquées et prenaient le relais sur les tâches non qualifiées qui étaient auparavant effectuées par les humains), elle n’avait cependant pas manqué de créer de nouveaux emplois qui exigeaient de nouvelles compétences.
Ce schéma s’est ensuite répété dans le temps, n’en déplaise à ceux qui continuent à s’attarder sur les aspects négatifs du progrès et sur la crainte que les «machines ne prennent tous les emplois». Il est clair qu’aujourd’hui, aucun d’entre nous n’est encore capable de prédire à quoi ressemblerait la 5e révolution. Cependant, nous pouvons d’ores et déjà être assurés sur le fait que, lorsqu’elle se produira, de nouvelles compétences seront également nécessaires à ce moment-là.

Que signifie la 4IR pour l’Afrique ?

La pandémie a accéléré la normalisation du travail à distance. De nombreux employeurs se sont rendu compte qu’il était possible d’accomplir une grande partie du travail grâce à un système basé sur les contrôles hebdomadaires des tâches. Cela avait mis en évidence une réalité bien moderne : celle selon laquelle tout le monde était capable de faire partie d’une équipe donnée à condition de disposer d’un appareil connecté et d’une connexion internet fiable. Cette réalité est encore plus évidente pour les emplois qui font appel aux technologies de l’information ou du numérique, notamment dans les domaines tels que l’assistance informatique, l’ingénierie des données, la conception graphique, le développement d’applications et bien d’autres encore.
Pour les habitants du continent africain, cela représente une opportunité, car la localisation n’est plus nécessairement une barrière pour une entreprise qui opère depuis les États-Unis ou l’Europe occidentale. Bien que nous commencions à assister à une première vague d’Africains sollicités pour des emplois à distance, le chemin reste encore long avant d’atteindre la masse critique en compétences pour que l’Afrique puisse prétendre devenir un véritable centre d’externalisation. Il est donc important que les gouvernements africains se mettent enfin à envisager l’amélioration des compétences de leurs populations afin qu’elles puissent devenir compétitives sur le marché mondial de l’emploi.

Accepter le changement et non le combattre

Pour que l’Afrique devienne un centre numérique de compétences, nous devons revoir notre manière de penser dès lors qu’il s’agit de compétences. Nous devons de fait abandonner l’idée selon laquelle la qualification est un événement ponctuel qui doit obligatoirement se produire au début de notre carrière (le précepte traditionnel de l’université/du collège), et commencer plutôt à la considérer comme un «arc» d’apprentissage qui est continuel et qui n’en finira pas de progresser tout au long de notre vie professionnelle.
Carol Dweck, professeur à Stanford, est célèbre pour sa philosophie dite de l’esprit de croissance : «On parle d’esprit de croissance lorsque les gens deviennent persuadés que leurs capacités les plus fondamentales peuvent être développées grâce au dévouement et au travail acharné – le cerveau et le talent ne représentent alors plus qu’un simple point de départ pour eux. Un tel positionnement ne manque pas de créer un amour de l’apprentissage et une résilience qui sont des ingrédients essentiels pour réussir à produire de grandes réalisations». Il est impératif que tous les employés actuels et futurs puissent adopter un état d’esprit qui soit davantage focalisé sur la croissance. Cela les aide à mieux encadrer leur réflexion et à être prêts à chaque fois qu’une nouvelle opportunité se présente pour se perfectionner et relever de nouveaux défis.
Nous devons également revoir notre conception conventionnelle du transfert de compétences: nous avons tendance à le percevoir comme quelque chose qui ne se produit que dans les limites d’une salle de classe. Avec l’avènement des nouvelles technologies et du «cloud», le transfert de compétences n’est plus un événement qui est condamné à se produire en permanence entre quatre murs. Nous disposons désormais d’un téléphone qui est capable d’afficher et de diffuser vos compétences où que vous soyez et quand vous le souhaitez. Nous avons désormais la possibilité de tirer parti de la technologie pour apporter nos compétences à toute personne qui en a besoin, peu importe où elle se trouve.

Nous devons changer notre modèle d’apprentissage

La pandémie de Covid-19 a réussi à accentuer notre recours aux plates-formes d’apprentissage numérique. Jusqu’à présent, la formation était traditionnellement dispensée au sein des salles de classe. La pandémie a réussi à nous faire basculer inévitablement vers le virtuel. Par nécessité, les gens ont pris conscience que la formation virtuelle était une option viable. L’apprentissage en ligne a ouvert de nombreuses portes à des personnes qui, autrement, ne se seraient peut-être jamais ouvertes à de telles expériences. A titre d’exemple, les SkillsLabs qui étaient initiés par 4Afrika à travers toute l’Afrique ont fini par se transformer en plateformes d’apprentissage numériques dès le départ de la pandémie. Notre programme de volontariat, MySkills4Afrika, a fini par pivoter vers le virtuel car les interdictions de voyager et les mesures sanitaires ont rendu la formation et les engagements physiques impossibles.

L’apprentissage en ligne ou virtuel a naturellement pris le relais face à la pandémie de coronavirus, qui nous oblige à travailler à distance et à rester physiquement éloignés. Dans ce contexte, deux facteurs très importants doivent être pris en compte afin que l’apprentissage virtuel soit un réel succès. Le premier est la motivation. Il doit généralement y avoir une raison impérieuse pour qu’une personne décide d’acquérir un certain ensemble de compétences. Au sein d’un environnement de travail «normal», la motivation est généralement de pouvoir obtenir une promotion ou un nouveau poste. L’obtention d’un diplôme est à son tour un facteur de motivation puissant pour les personnes qui sont en phase d’apprentissage. Depuis le lancement de la Microsoft Global Skilling Initiative en juin de cette année, plus d’un demi-million d’apprenants au Moyen-Orient et en Afrique ont réussi à achever au moins l’un des dix parcours d’apprentissage proposés dans le cadre de ce programme. Pour y parvenir, ils ont utilisé plusieurs des ressources numériques mises à leur disposition par Microsoft, mais aussi par LinkedIn et par GitHub, ce qui démontre l’énorme appétence des participants pour l’obtention d’un diplôme.

Le deuxième facteur est l’accès aux infrastructures nécessaires d’apprentissage (une donne qui demeure encore problématique lorsque l’on évoque le continent africain). Une connexion internet permanente, qu’il s’agisse d’un appareil, d’un ordinateur portable ou d’un smartphone, ou même simplement des débits internet suffisamment rapides pour diffuser des contenus vidéo – ce sont des choses auxquelles beaucoup de personnes n’ont malheureusement pas encore accès en Afrique.
L’initiative Airband de Microsoft et la campagne 4Afrika actuellement en cours travaillent pour accéder aux TV White spaces (espaces blancs de télévision) et fournir un Internet abordable aux communautés rurales les plus mal desservies. De tels programmes pourraient créer des différences tangibles dans la course lancée pour apporter des compétences numériques vitales à ceux qui en ont le plus besoin. Plusieurs recherches démontrent que l’Afrique subsaharienne se connecte de plus en plus rapidement au numérique étant donné que la pénétration de l’Internet a décuplé dans la région depuis 2000. Si des écarts subsistent par rapport au reste du monde, la prolifération des technologies mobiles a été prononcée et n’en finit pas d’ouvrir la voie à un apprentissage autonome via les appareils mobiles.
Il est probable qu’une fois que les restrictions liées à l’épidémie de la Covid-19 seront assouplies, nous nous retrouverons à adopter un modèle d’apprentissage hybride qui concernera à la fois l’apprentissage en classe et l’apprentissage en ligne. Les compétences se présenteront alors sous de nombreuses formes. En tant qu’Africains, je pense que, même si nous avions jusqu’à présent énormément valorisé le diplôme universitaire traditionnel, nous en viendrons à commencer à considérer les compétences et les aptitudes comme étant plus importantes que l’obtention du diplôme même. Il s’agira probablement d’une évolution qui sera lente, mais qui sera inévitable, car l’apprentissage virtuel ne cesse chaque jour de gagner en dynamisme et en pertinence.

L’homme et la technologie coexisteront toujours

Au lieu de continuer à ressentir de l’inquiétude, de la méfiance et de l’anxiété vis-à-vis du progrès, il est grand temps de commencer à reconnaître les merveilleuses avancées que la technologie a rendues possibles dans le domaine de l’éducation et du développement des compétences. Face à la pandémie actuelle, la technologie a permis de créer de nouvelles voies d’apprentissage qui sont alternatives, et qui ont permis d’éviter une paralysie totale des possibilités de développement. Il y aura toujours des choses que les humains pourront mieux faire que les machines. Les stratégies d’apprentissage hybrides permettront aux compétences de suivre le rythme de la 4IR, mais aussi des autres révolutions qui suivront.

(*) Responsable du programme
«Compétences», Microsoft 4Afrika

 

 

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