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Rachid Yazami: «Les Marocains doivent s’ingénier pour baisser le coût du Wattheure de source propre»

© D.R

Entretien avec Rachid Yazami, professeur à la Nanyang Technological University à Singapour et inventeur de l’anode graphique pour la batterie au lithium-ion

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Le Maroc fait des sources d’énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique les principaux piliers de sa stratégie énergétique. C’est ce qui ressort de la conférence qui s’est tenue le 26 mai à Rabat à l’initiative de l’Iresen et de l’Académie Hassan II des sciences et techniques. Une rencontre qui a mis en avant, entre autres, le développement industriel en énergies renouvelables et le financement et la gestion de recherche. Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre du  professeur Rachid Yazami.

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ALM : Quel est l’objet de votre intervention ?

Rachid Yazami : Mon intervention s’inscrit dans la thématique efficacité énergétique par le stockage de l’énergie. Comme vous le savez, on a des énergies renouvelables qui sont intermittentes. Donc il y a des moments où on a trop d’énergie et il y a d’autres où on en manque. Donc le moment où on a une surproduction on va stocker cette énergie et un des moyens les plus souples pour stoker aujourd’hui c’est utiliser des batteries. Par exemple si vous regardez ce que fait Tesla, la compagnie américaine en matière de ce qu’on appelle des powerwall, il s’agit d’intégrer ce dispositif dans les maisons. Pour mieux expliquer, vous avez votre panneau solaire et vous avez une sorte d’armoire qui remplit la batterie, l’énergie est stockée là-dedans et vous pourrez l’utiliser quand vous voulez. Cela vous permettra d’avoir de l’énergie gratuitement sauf l’investissement qu’il faut faire au départ.

Justement comment développer ce type de technologie au Maroc ? Qu’est-ce que vous avez à dire aux acteurs marocains dans le domaine ?

Personnellement j’essaye de mobiliser les acteurs marocains que ce soit le gouvernement ou les investisseurs, je leur dis il faut qu’on fabrique les batteries au lithium au Maroc parce qu’on a tout ce qu’il faut. Actuellement on investit plusieurs milliards de dollars dans les énergies renouvelables alors qu’avec un milliard de dollars on peut avoir une très belle usine marocaine qui sera très rentable. Parce qu’on ne va pas utiliser cette usine uniquement pour le stockage des énergies renouvelables, mais aussi pour les voitures électriques par exemple, les vélos électriques, pour dépolluer les grandes villes, les méga-cités comme Casablanca, Rabat ou Marrakech où il y a beaucoup de deux-roues qui font beaucoup de bruit et polluent. Donc si on a nos batteries marocaines avec des ingrédients qui sortent du sol marocain, à savoir les phosphates, le cobalt, le fluor, le silicium -je vous donne juste quelques exemples des choses qui sont présentes au Maroc mais qu’on exporte-, on ne les exploite pas suffisamment au Maroc pour pouvoir justement avoir les ingrédients pour fabriquer les ingrédients au lithium. C’est quelque chose que j’espère faire avant de m’arrêter de faire de la recherche et m’intéresser aux batteries. Si d’ici dix ans on arrive à avoir une belle usine de batterie au Lithium ce serai très positif pour le Maroc.

Comment imaginez-vous cette usine ?

C’est très simple, il y a un modèle économique qui marche très bien. Je m’explique. Vous avez dans le monde cinq compagnies qui font les meilleures batteries au monde. Il faudra les intéresser au Maroc. Comment ? On leur dit vous avez la technologie, nous on a l’argent, on a les ingénieurs et cette initiative a pour but de sceller une joint-venture. C’est ce que fait Tesla, ils se sont rendu compte que les Américains ne savent pas fabriquer les batteries au lithium, donc ils ont fait appel aux Japonais, nous on peut faire à peu près la même chose et c’est très simple. Les Japonais se joindront à nous parce que le Maroc a une position stratégique extraordinaire. On est à l’intersection entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient et en plus on peut exporter aux Etats-Unis. On a un avantage stratégique extraordinaire pour être plus compétitifs que Tesla.

Vous travaillez sur quoi en ce moment ?

Je travaille sur beaucoup de choses actuellement, en particulier les problèmes dits de la recharge rapide des batteries. Pour que les voitures électriques deviennent populaires, il faut réellement que quelqu’un qui possède une voiture électrique puisse recharger sa batterie pratiquement dans la même durée de temps que si vous allez dans une station-service  et que vous remplissez votre réservoir d’essence, cinq à dix minutes. Je travaille sur la problématique de la charge rapide et donc on modifie tout le logiciel et les algorithmes qui permettent de recharger les batteries. On est en train de tout remettre en cause. Ma deuxième recherche est sur les problèmes de batteries. Vous savez que Sumsung a eu des problèmes avec les batteries note 7, on essaye actuellement de comprendre pourquoi. C’est-à-dire pourquoi ces batteries prennent feu et s’emballent thermiquement, elles explosent et peuvent être dangereuses. Même si on m’attribue la paternité de la batterie au lithium, j’essaye de trouver quelque chose de mieux. Il y a peut-être d’autres batteries à l’horizon 2020 ou 2025 qui seront différentes des batteries lithium, donc j’essaye de développer de nouvelles chimies pour les batteries du 21ème siècle.

Au niveau de la collaboration, est-ce que vous travaillez avec des chercheurs marocains ?

Tout à fait. On a des programmes de collaboration avec les chercheurs marocains. Cette collaboration peut s’intensifier encore plus. Si on vient me dire qu’un bon chercheur veut passer six mois dans votre laboratoire il est le bienvenu.

Pour vous quels sont les défis de l’énergie renouvelable au Maroc ?

Le coût du kilowattheure renouvelable doit être compétitif par rapport au coût du wattheure avec le charbon le gaz, c’est-à-dire l’énergie pas propre. Le propre doit être moins cher et ça ce n’est pas facile à établir. Les Espagnols, par exemple, se sont lancés dans l’énergie solaire. Ils ont fabriqué des fours thermiques absolument extraordinaires mais le modèle ne tient pas parce que le gouvernement ne peut pas subventionner l’énergie ad vitam aeternam. Il faut que les Marocains s’ingénient à baisser le coût, c’est-à-dire le nombre de dirhams par kilowattheure. Ainsi, il faudrait que nous ayons plus de kilowattheures pour moins de dirhams. Dans ce sens, on doit réfléchir sur la structure du coût d’un panneau solaire ou d’une éolienne et voir les composants sur lesquels on peut vraiment travailler et améliorer afin d’avoir un coût moins important.

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