Sur la base d’une plainte déposée en 2000 par un Belge d’origine tchadienne, la justice belge reproche à Hissène Habré des "violations graves" des droits de l’Homme durant sa présidence (1982-1990), parmi lesquelles "des arrestations collectives et arbitraires, des meurtres en masse et des actes systématiques de torture dirigés contre les membres de certaines ethnies du pays".
Avec ce mandat d’arrêt international, dont l’existence a été révélée jeudi par Bruxelles, M. Habré pourrait devenir, à 63 ans, le premier ancien chef d’Etat à devoir répondre de crimes contre l’Humanité devant la justice d’un autre pays.
"L’Etat sénégalais se doit d’exécuter immédiatement le mandat d’arrêt international. Il (Habré) doit avant toute chose se retrouver en prison", a estimé vendredi l’avocat sénégalais Boucounta Diallo, coordinateur du collectif des avocats des victimes tchadiennes qui avait déposé plainte en 2000 contre M. Habré à Dakar.
"Le Sénégal doit prendre les devants pour contrer une fuite éventuelle de ce dernier via un Etat voisin", a-t-il prévenu, précisant que la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar disposait d’un mois pour se prononcer sur la légalité de la demande d’extradition.
Si cette instance décide que M. Habré peut être extradé, le président sénégalais Abdoulaye Wade aura à son tour un mois pour signer un décret d’extradition, a-t-il expliqué.
De leur côté, les autorités sénégalaises, pourtant officiellement favorables à son extradition, demeuraient silencieuses vendredi depuis l’annonce de Bruxelles et aucune source gouvernementale n’était disponible pour commenter la publication du mandat d’arrêt ou évoquer l’arrestation de M. Habré.
Selon des sources policières, M. Habré n’a toujours pas été arrêté et aucune source proche de l’ex-président n’a pu dire s’il se trouvait vendredi dans sa villa située dans un quartier résidentiel du nord de Dakar.
Début 2001, soit un an après le dépôt d’une plainte par des victimes tchadiennes et des organisations des droits de l’Homme au Sénégal, la Cour de Cassation de Dakar avait estimé que les tribunaux du pays n’étaient pas compétents pour juger des crimes commis par un étranger hors du Sénégal.
Toutefois, à l’époque, le président Wade s’était engagé à livrer Hissène Habré à tout pays qui lui assurerait un procès équitable.
Joint par téléphone au Bénin par l’AFP, Me Sidiki Kaba, président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), s’est déclaré "extrêmement satisfait de la décision prise par les autorités belges".
Me Kaba a ajouté que les organisations parties prenantes dans l’affaire Habré (FIDH, Human Rights Watch et des associations de défense des droits de l’Homme africaines), allaient "incessamment adresser un courrier aux autorités sénégalaises (…) pour leur demander de procéder à l’extradition".
Un peu plus tôt vendredi, le ministre tchadien de la Communication, Hourmadji Moussa Doumngor, a annoncé à l’AFP que "le gouvernement du Tchad encourageait la justice belge à faire aboutir le processus engagé".
"Nous avons collaboré et nous allons continuer à collaborer avec les juges belges en leur fournissant des informations nécessaires", a-t-il assuré.
Baptisé le "Pinochet africain" par ses opposants, Hissène Habré, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat militaire en juin 1982, est réfugié au Sénégal depuis 1990, date de son renversement par les troupes de l’actuel président Idriss Deby.