La Cour suprême algérienne a été récemment le théâtre d’une affaire qui devra rester dans les anales de la justice algérienne. Pour une première, c’en est une et elle est plutôt loufoque. Nos amis, côté pouvoir algérien, nous ont certes habitué à des sorties originales, mais celle-là bat tous les records en la matière. Un dossier, un seul, vient en fait d’être porté disparu.
Il s’agit du dossier de pourvoi en cassation du célèbre journaliste algérien, Mohamed Benchicou, qui a été mystérieusement « perdu » de la Cour suprême. Ce sont les avocats du journaliste, détenu à la prison d’El-Harrach depuis le 14 juin 2004, qui ont rapporté la nouvelle, relayée par ce qui reste de presse libre au pays de Bouteflika, à savoir El Watan et Liberté. Transmis par le parquet le 24 octobre 2004, le dossier de l’intéressé, également auteur du pamphlet « Bouteflika, une imposture algérienne », se serait volatilisé. Malgré moult diligences auprès des greffes concernées, le fameux dossier demeure toujours introuvable. Cette situation inédite serait constitutive, si elle se perpétuait, d’un déni de justice caractérisé et sans précédent dans l’histoire judiciaire algérienne. Le collectif d’avocats a en effet saisi par télégramme le procureur général de la Cour suprême et le ministre de la Justice, mais en vain. Aucune réponse n’a pu être obtenue. Face à cette situation, les avocats de Benchicou ont décidé d’adresser un appel au président Bouteflika dans l’espoir d’avoir plus d’échos et de dénoncer ce qu’ils qualifient de «grave dysfonctionnement» de la Cour suprême qui aurait violé les principes les plus élémentaires qui gouvernent le droit algérien.
Selon le quotidien Liberté, la disparition du dossier de Mohamed Benchicou met sa défense dans l’impossibilité de faire valoir, du moins dans les délais raisonnables reconnus, ses moyens de cassation contre sa lourde condamnation. Le journal note que cet “égarement” intervient curieusement au moment où la Cour suprême a décidé de se doter d’une chambre spécialement chargée de traiter avec plus de “rapidité” les pourvois relatifs aux détenus.
Le directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou, a été emprisonné le 14 juin 2004. Le tribunal d’Alger l’avait condamné à deux ans de prison ferme à la suite d’une plainte du ministère des Finances pour "infraction régissant le contrôle des changes et les mouvements des capitaux", après la découverte de bons de caisses dans ses bagages à l’aéroport d’Alger, en août 2003. Sa peine a été confirmée en appel, en août 2004. Depuis, il fut convoqué régulièrement au tribunal d’Alger pour répondre de plusieurs articles publiés par le quotidien Le Matin. Ce journal, rappelons le, avait été suspendu le mois de juillet 2004.
Ces derniers mois, son comité de défense a remis au parquet une demande de mise en liberté provisoire en raison de son état de santé qui, celui eux, ne cesse de se dégrader. Une demande que le parquet n’a pas tardé à rejeter. Avec cette disparition mystérieuse du dossier de pourvoi, Benchicou semble être désormais dans de mauvais draps.