La vérité s’éveille. Un analyste de la presse israélienne est tout d’abord du journal populaire Yediot Aharonot (appartenant à la famille de l’épouse de Sylvain Shalom) affirme qu’au cours des années et des générations, le parti travailliste a rêvé d’un dirigeant, représentant «authentique», des communautés orientales. Et plus encore, de la communauté marocaine d’où est sorti le vainqueur: Un dirigeant, ouvrier d’une ville de développement et un syndicaliste. Il est nommé Amir Peretz, qui mêle dans sa personnalité et ses messages de gauche la colombe politique et le syndicaliste économique. Pourtant, quand il s’est présenté pour revendiquer la direction du parti, les travaillistes ont été pris de panique. Sa direction historique, ne jurant que par l’égalité ethnique à savoir, des Ashkénazes et des Sépharades, s’est soudée contre la menace de la candidature de Amir Peretz à la présidence du parti. Celui de l’ancien Mapaï de Ben Gourion, de Golda Meïr, et, toujours de Shimon Peres autour duquel a été édifiée une muraille. Alors que ce vieux dirigeant aurait dû, normalement, se retirer dans 1’honneur qui lui revient, depuis si longtemps …
Les élections primaires du parti travailliste ont donné un spectacle affligeant et révoltant. Amir Peretz l’a emporté non seulement, mais aussi, à cause des erreurs tactiques du couple inattendu, Peres-Barak. Il l’a emporté encore plus, parce qu’il est véritablement, ce qu’il est: un dirigeant ouvrier de Sderot (ville pauvre des Marocains), qui ose dire sans flatterie, aux habitants des mêmes villes de développement et aux habitants des quartiers défavorisés de Jérusalem, aux pauvres, aux chômeurs et aux ouvriers des grandes villes dominées par les «Ashkénazes», de devenir les porteurs du «drapeau de la paix».
Ainsi Peretz a dit : «Prenez ce drapeau des mains des vieilles élites. Car ces élites se sont bien installées et continueront à garder le pouvoir politique et économique, même sans la paix». Il va jusqu’à dire aux pauvres de sa ville en développement : «Vous avez payé et continuerez à payer par les obus Kassam qui sont tirés encore sur vous, de Gaza et demain, d’ailleurs. Vous payez, ainsi, «le prix entier de l’occupation». (Sever Plosker). L’analyste de Yediot Aharonot, écrit froidement: « En posant sa candidature dès avril 2005, il m’avait dit: dans un an je serai à la tête du parti travailliste et son candidat à la direction du gouvernement. Et je le mènerai à la victoire !». Alors, les sondages ne donnaient à Amir Peretz que 5% des voix. Il était bien loin de Shimon Peres, de Barak et des autres. Aujourd’hui, il aura réalisé la première partie de sa promesse: il a vaincu Shimon Peres et tous les autres, Il a été élu président de Avoda (Travailliste). En un jour, le jeudi 10 novembre 2005, il a modifié tous les programmes politiques des responsables israéliens. Il saura sortir son parti, redevenu de gauche, du gouvernement Sharon qui apparaît à nouveau de droite, après le désengagement de Gaza. Amir Peretz donc, a déjà décidé de voter contre le budget anti-social, préparé par Netanyahou et récupéré, pour l’essentiel, par Ehud Ulmert, nouveau ministre des Finances. Plus encore, il fera avancer les élections législatives et mettra le Likoud de Sharon, face à un nouveau cruel dilemme : Le parti pourra-t-il se ressouder autour d’Ariel Sharon, en ramenant Benyamin Netanyahou et les « rebelles» au gouvernement? Ou, se scindera-t-il?
Deux options que Amir Peretz pose mieux que Netanyahou et ses amis
d’extrême droite. Amir Peretz sera le seul à constituer une menace contre
le Likoud, avec sa conception du monde politique plus claire. Les vieux politiciens apparaissent, aujourd’hui, sous leur vrai jour, celui de ceux qui cherchent à s’accrocher, avant tout, au pouvoir. Soudain, ainsi, le parti travailliste qui n’avait pas de programme, et ne cherchait qu’à préserver sa seule existence, apparaît sans aucune consistance. Jusqu’à
l’arrivée d’un nouveau président ferme dans ses positions avancées.
En un mot, Amir Peretz apparaît comme le contraire de Netanyahou. Ce dernier symbolise l’effort de fusionner la droite politique et la droite économique, ultra-libérale, d’origine ashkénaze et représentant le monde des affaires, en Israël. Amir Peretz apporte un mélange de la gauche politique et sociale, dans son origine orientale et marocaine au monde du travail. Il est, également, convaincu que la société israélienne est, à présent, mûre pour le changement politique. C’est pourquoi certains disent qu’après le retrait de Gaza et tout ce qui l’a accompagné dans les confrontations avec les religieux et l’extrême droite, le public israélien «cherche un temps de pause pour régler ses problèmes intérieurs, avant d’aborder la question palestinienne», (Sever Plosker).
Le public israélien veut-il restaurer le système de l’Etat- Providence, ou au moins les avantages sociaux de l’Etat, que le Likoud, avec Netanyahou, a déchiré? Ce qui est recherché, c’est, en fait, pour réduire les horribles écarts sociaux, de revenir aux valeurs morales de solidarité et de travail pour chacun. Dans ce domaine économique et social, Amir Peretz a un avantage sur tout candidat du Likoud à la direction du gouvernement : « la croissance des deux dernières années a oublié de s’infiltrer, aussi, vers le bas, vers ces couches sociales traditionnelles des électeurs du Likoud». (Sever Plosker).
Donc, ces oubliés sociaux n’ont bénéficié de rien dans la politique libérale tournée vers les plus favorisés. Ces oubliés cherchent un nouveau responsable pour améliorer la situation : Amir Peretz apporte la réponse. Selon l’analyste, la réponse à toute cette situation que Amir Peretz peut apporter consiste à «mettre fin à la politique d’occupation du Likoud. Admettre que le retrait de Gaza n’a coûté que la moitié des sommes pour y installer les colonies : principalement sur le compte des budgets accordés normalement aux villes de développement israéliennes». (Sever Plosker). Il sera, certainement, difficile au Likoud de trouver la réplique à cette situation … D’autant que Amir Peretz fait pression sur Ariel Sharon pour arrêter, avec lui, une date avançant les élections, au plus tôt. Il se révolte même contre la décision «irresponsable», dit-il, du Chef du gouvernement de reporter, au jeudi 17 novembre, leur rencontre prévue le dimanche «par un simple entretien téléphonique avec le secrétaire du gouvernement». (Nahoum Barnéa). Il ira jusqu’à dire, selon une journaliste de Haaretz, Mazal Moalem : «Sharon devrait comprendre que l’ère des marionnettes est terminée. Le parti travailliste (Avoda) a décidé de quitter le gouvernement. Je préfère le faire en consultation. Mais je n’attendrai pas jusqu’à jeudi». On a constaté qu’Ariel Sharon a tenté d’humilier Amir Peretz, avec une arrogance la plus choquante. «Qui est ce jeune de Sderot (il a 53 ans alors que Sharon en a 78 !) Qui veut parler d’égal à égal avec Arik Sharon, roi d’Israël (Nahoum Barnéa). Personne n’est né en Israël avec une couronne. Sharon de Kfar Mellal se retrouve contre Peretz de Sderot. L’un d’origine Caucase, l’autre du Maroc : la seule consolation dans le cas de Sharon est que son mépris n’est pas racial. Il a pour tous un égal mépris! (Nahoum Barnéa). Sharon en vérité, ne désespère pas de reprendre le contrôle du Likoud, en comptant sur l’instinct de conservation de ses membres, pour les amener à se réunir, à nouveau, autour de lui. Les «rebelles», dit-on, se sont calmés dans la panique de l’élection d’un Amir Peretz. Sharon accepterait donc, enfin, d’organiser des primaires au plus vite et de convoquer des élections législatives avec l’accord du Président de l’Etat, Moshé Katsav, dans un délai de 90 jours, soit en février prochain … (Mazal Moalem).
Mais Amir Peretz ne veut pas attendre. Il menace de s’allier avec le parti religieux du Mafdal, pour demander la dissolution de la Knesset (Parlement) le mercredi 16 novembre. Et obliger ainsi Sharon à négocier une date définitive, égal à égal, entre les deux membres de la coalition gouvernementale. Certains des pairs de la direction du parti travailliste proclament qu’ils ne voteraient pas la dissolution parlementaire. Vendredi dernier après la réunion avec Shimon Peres, le nouveau Président du parti, par respect, avait donné son accord de s’abstenir de voter mercredi, avec le Mafdal, parti religieux des colonies. Mais encore faut-il que Sharon accepte une date commune. (Sima Kadmon). Par ailleurs pour renforcer sa position sur le plan public, Peretz a compris qu’il ne devait plus réagir en tant que syndicaliste, mais en tant que chef du parti « avec un comité central qui a seul le pouvoir de décider la sortie du gouvernement. Même si tout le monde est aujourd’hui d’accord pour faire avancer les élections» (Sima Kadmon). En attendant, Amir Peretz, très réaliste, lance à Shimon Peres, qui l’a enfin félicité: «J’ai besoin de toi». Mais seulement comme second pour les affaires politiques ! Shimon Peres, devenu également, réaliste, renonce à imposer la présence de son « aide habituelle », la ministre, d’origine irakienne, Dalia Itsik, pour rencontrer Amir Peretz, « en tête à tête afin d’éviter que la rencontre ne soit annulée». (Nahoum Barnéa). La seule crainte, dit-on, est que des vétérans quittent le parti, non pas pour aller ailleurs, mais pour « avaler leur honte et leur dépit. Il s’agit, outre Shimon Peres, peut-être, de Ehoud Barak, Dalia Itsik, Matam Vilnaï, Haïm Ramon ou Fouad Ben Eliezer. Ils devront décider, sans tarder, car Amir Peretz doit déceler qui pourra aller avec lui et qui ira contre lui» (Général Mitsna, ancien président travailliste). Amir Peretz ne peut être gêné dans la réalisation de sa «révolution». Son manque d’expérience ministérielle «ne l’empêchera pas de bien diriger le parti». Yuli Tamir, la seule députée travailliste à avoir soutenu Peretz, ajoute encore «C’est un vieux renard politique. Il a accumulé beaucoup d’expérience à la tête de la Histadrout et a appris à vivre avec les requins». Une autre femme députée travailliste, une Roumaine ayant vécu en France, Colette Avital, considère qu’avec Amir Peretz, le parti Avoda sera plus populaire. «II descendra plus souvent dans les rues, avec un nouvel esprit plus combatif!». Guidon Alon de Haaretz).
Un grand journaliste, Uzi Benziman, de Haaretz, considère, également, que le public israélien, penche de plus en plus à gauche sur la question du conflit avec les Palestiniens. Il a soutenu massivement le retrait de Gaza, mais serait, plutôt au Centre, représentant «une ligne politique opposée aux hésitations de Sharon». Amir Peretz doit faire mieux que Sharon « qui reste dans les problèmes politiques internes à son parti». Peretz mettra l’accent sur le programme social. Mais il doit rester «dans l’opposition au camp adverse, dans l’ordre des priorités nationales: soit des territoires, soit couvrir avant tout les besoins d’Israël dans la ligne verte». ( Uzi Benziman). En un mot, Amir Peretz saura rester dans ses positions ultra-colombes, pour un retour aux frontières de 1967… Amir Peretz, l’invité de dernière minute auprès de Clinton pour participer au 10ème anniversaire de l’assassinat de ltshac Rabin, devant plus de 100 000 manifestants, à Tel Aviv, a affirmé : « il faut revenir à l’esprit d’Oslo qui n’est pas mort et à négocier directement avec les dirigeants palestiniens sur l’accord final» (Ben Caspi de Maariv). La grande conclusion, à cet égard, est établie par Akiva Eldar dans Haaretz. pour lui Amir Peretz vient d’une autre école par rapport à tous ses prédécesseurs, depuis Itshac Rabin, en passant par Shimon Peres, Ehoud Barak ou Fouad Ben Eliezer. Il n’a pas besoin, ni de la première ni de la seconde Intifada, pour reconnaître le droit à l’auto détermination du peuple palestinien. Il avait d’ailleurs parlé aux Palestiniens, dès le début des années 80, au moment où la loi israélienne interdisait les contacts avec l’OLP. Car, il estime que «des Palestiniens satisfaits sont préférables pour Israël aux Palestiniens amers. Et que la paix n’est pas un acte de charité aux voisins. mais la clé de la prospérité pour Israël et du bien-être de ses citoyens».(Akiva Eldar)
Donc s’il persiste et réussit, Amir Peretz ramènera le pari Avoda (travailliste) à la tête du camp de la paix et non à l’arrière d’un gouvernement qui voit en la paix «un cadeau aux Arabes» (Akiva Eldar). L’analyste de Haaretz considère mieux que certains journalistes de Yediot, comne Sima Kadmon, que pour la première fois, la Avoda a, à sa tête, un civil qui n’a pas participé à la colonisation. Il proclame : «voisins palestiniens, vous avez un partenaire, ne permettez pas aux extrémistes de lui porter atteinte». (Akiva Eldar).