A la morgue de Bagdad, vêtus de T-shirts, ils ont encore dans la main le papier bleu qui enveloppait la friandise, a constaté un journaliste de l’AFP. Ils sont 24 enfants, âgés de 10 à 13 ans à avoir été tués dans l’explosion d’une voiture piégée vers 10H30 (06H30 GMT) à proximité d’un véhicule de l’armée américaine, dans le quartier chiite al Jadida. Un soldat américain a également été tué et trois autres blessés.
Sur place, des dizaines de paires de sandales sont dispersées ou baignent dans le sang, avec des morceaux de chair et des bras démembrés. Des jouets en forme de petit canard portant des drapeaux américains, des sucreries, des chocolats, jonchent la chaussée.
"Les Américains, informés de la présence d’une voiture piégée, sont venus avec deux Humvees (blindés) et un char et ont fermé la voie rapide. Ils ont appelé par hauts-parleurs les automobilistes à ouvrir leurs coffres et leurs capots pour la fouille", raconte Amir Hamad, 13 ans, en montrant l’autoroute qui le surplombe.
"Ils sont ensuite descendus ici, ont vérifié encore quelques voitures, puis, rassurés, ils ont commencé à distribuer des jouets et des friandises aux enfants du quartier". "Mon copain Abbas s’est précipité, je lui ai demandé de m’attendre, mais il a filé. C’est à ce moment qu’une voiture est arrivée derrière lui par une rue latérale et a explosé. D’Abbas, il ne me reste plus qu’une sandale", ajoute-t-il, bouleversé. Deux maisons ont été ravagées par l’explosion, et l’une d’elle est totalement calcinée. Selon un habitant, une famille de cinq personnes a été tuée dans la maison. Des vélos aux cadres tordus sont abandonnés dans la rue.
Les couloirs de l’hôpital Kindi, où les corps sont entreposés, baignent dans le sang des victimes et des blessés. Certains corps ont été décapités par la violence de l’explosion, d’autres ont perdu jambes ou bras. La plupart sont calcinés.
Les familles des victimes se pressent dans l’hôpital, devant lequel des femmes en pleurs vêtues de noir se frappent la tête en signe de deuil. Les hommes transportent à bout de bras des corps désarticulés, qu’ils déposent dans des cercueils.
"Pourquoi visent-ils des civils, des Irakiens, nos enfants? Ils ont juste détruit une vie américaine, mais ils ont tué des dizaines d’enfants", s’écrie Hassan Mohammed, dont le fils Alaa, âgé de 13 ans, est mort dans l’explosion.
"Ceux qui ont fait cela, ne sont pas des résistants mais des criminels. Qu’ils se dévoilent au grand jour", lance Hussein Radi, dont le fils de 11 ans a également péri. "J’étais chez moi, j’ai entendu une explosion, je savais que mon fils Mohammed était sorti alors j’ai couru dans la rue, mais je n’ai retrouvé que sa bicyclette. Je suis venu le chercher à l’hôpital et me suis dirigé à la morgue. J’ai reconnu mon fils à son visage, parce que le reste de son corps était calciné", raconte Abou Amed. Radi Hamoud a pour sa part retrouvé son fils Houssam, 13 ans, mais il a perdu ses deux jambes et se trouve dans un état critique. "Ils ont tué tous les enfants du quartier", pleure-t-il.
Après avoir fait en vain la tournée des hôpitaux, Hana Ali, 31 ans, est revenu sur les lieux du drame. Sous les décombres, il n’a pu découvrir que la tête de son fils, âgé de 11 ans. Au moins 20 enfants ont aussi été blessés, dont deux grièvement atteints qui ont été évacués par l’armée américaine vers un hôpital militaire. Le 30 septembre 2004 déjà, 34 enfants et quatre adultes avaient été tués dans un triple attentat à Bagdad.
Par Ammar Karim
AFP