S’il y a un ministre dans le gouvernement de François Fillon dont le départ immédiat aurait sonné comme une évidence depuis le virage sécuritaire de Grenoble opéré par Nicolas Sarkozy, c’est bien Fadela Amara secrétaire d’Etat à la Ville. Issue du sérail socialiste, de parents immigrés algériens, sa présence au casting gouvernemental, autant que sa mission de s’occuper des banlieues, étaient destinées à adresser un message de valorisation à des territoires et à des populations longtemps marginalisés à cause de leurs origines ou de leur géographie. Mais depuis que Nicolas Sarkozy et une grande partie de son gouvernement ont enfourché la machine à stigmatiser et à produire des boucs émissaires, la position de Fadela Amara devenait de plus en plus intenable. Elle avait déjà l’occasion de claquer la porte du gouvernement le jour où elle avait constaté, chiffres à l’appui, que l’ambitieux plan pour revaloriser les quartiers dits difficiles, était uniquement une chimère d’automne. Elle ne l’a pas fait au nom d’un réalisme comptable que la crise économique internationale avait élevé en dogme justificateur. Mais depuis que le gouvernement auquel elle appartient commence à diffuser des idées selon lesquelles il est possible de déchoir de sa nationalité française un citoyen d’origine étrangère sous n’importe quel prétexte, d’envisager de sanctionner les parents défaillants dans l’éducation de leurs enfants, Fadela Amara ne pouvait rester inerte face à ce qui s’apparente à une remise en cause de son fonds de commerce et la raison cardinale pour laquelle elle devenue secrétaire d’Etat.
Pendant tout l’été, alors que la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy embrayait sur la surenchère sécuritaire, qu’une orgie verbale et menaçante enfumait la pause estivale, Fadela Amara était restée étrangement silencieuse. Comme si ce débat lui était étranger. Il a fallu attendre la rentrée et les langues des ministres d’ouverture comme Bernard Kouchner qui se délient et laissent monter des aigreurs pour que Fadela Amara pense prendre la parole et dire son malaise devant la tournure que prend ce débat sur la sécurité. Et sa réaction fut un modèle de schizophrénie digne d’être étudié dans les grandes écoles de sciences politiques. Comment en effet dire son malaise, son opposition à des choix et à des mots prononcés par Nicolas Sarkozy et généreusement expliqués et relayés par sa garde rapprochée tout en restant solidaire avec l’orientation générale et le président de la République. Fadela Amara semble avoir trouvé la contorsion secrète : épargner Nicolas Sarkozy, même louer sa détermination à vouloir instaurer un ordre républicain «émancipateur», mais critiquer vertement Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, seul responsable de cette surenchère qui voudrait élargir la déchéance de la nationalité à la polygamie de fait et à l’excision pour ne citer que ces deux maux.
Le tout enrobé d’une volonté de ne pas démissionner pour accomplir la mission que lui a confiée le président de la République. Cette stratégie de Fadela Amara ne marcha pas. Elle l’aida sans doute à passer le cap des interviews qui grincent et des questions qui dérangent. Mais elle sema plus de zizanie et de confusion qu’elle n’a apporté de clarifications. Fadela Amara, à l’instar de tous les ministres d’ouverture, qui ont exprimé leur malaise sans aller au bout de leur logique, a montré justement les limites de cette ouverture. Leurs détracteurs ont simplement repris de la voix pour pointer leur inutilité. Mortel à la veille d’un remaniement.