Lorsque le Premier ministre François Fillon était intervenu dimanche soir à la télévision française pour commenter l’évolution de cette semaine sociale décisive qui s’annonce, rares étaient ceux qui s’attendaient à ce qu’il sorte de la ligne de fermeté fixée par l’Elysée sur un dossier autour duquel se joue ni plus ni moins la réélection de Nicolas Sarkozy. Par contre, ils étaient nombreux ceux qui guettaient le moindre signe, la moindre allusion à l’avenir de François Fillon à Matignon. Un hochement de tête suspect et un mot peu orthodoxe auraient suffi pour dire si François Fillon avait intégré son départ programmé ou si au contraire cette grande comédie du remaniement ne cachait qu’une mise en scène pour reconduire un bail difficile à défaire. François Fillon, animal froid par nature, les cheveux bien lissés par coquetterie, était sans aucun doute conscient de cette attente aiguë. Il a pris un malin plaisir à ne rien laisser apparaître, se permettant une seule entorse lorsqu’il avait estimé que le remaniement n’est pas forcement la meilleur réponse à une crise sociale mais plutôt la politique mise en œuvre pour y apporter des réponses. A lire les commentaires les plus avisés sur la question, François Fillon ne serait depuis l’été qu’un Premier ministre en sursis qui attend stoïquement sa lettre de renvoi. La grande presse s’est démenée à coup de couvertures, plus piquantes les unes que les autres, pour décrire l’impasse dans laquelle est arrivée la relation entre le président et son Premier ministre. Le premier, impopulaire, plombé dans le désamour des Français. Le second, inactif, caracole dans les sondages. Puis était venu l’exercice favori et presque imposé, celui de relayer la ronde des prétendants à la succession de François Fillon. De ces noms, la presse a choisi d’épingler des médailles de mérite à quatre d’entre eux. Deux personnalités explicites qui ne cachent plus leurs ambitions de diriger Matignon comme Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie et Michelle Alliot-Marie, ministre de la Justice. Et deux personnalités implicites comme le chiraquien François Baroin, ministre du Budget ou le Villepiniste Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture et de la Pêche. Pour Nicolas Sarkozy, la difficulté de trouver un remplaçant à François Fillon est si évidente que de nombreux commentateurs et des plus influents ne se privent plus d’affirmer qu’à quelques semaines de ce remaniement, même le président de la République ne sait pas s’il doit changer de Premier ministre ou en tout cas n’est pas fixé sur l’identité de son successeur. Il est vrai que lorsque François Fillon s’est permis de dénier à Nicolas Sarkozy sa qualité de «mentor» et de rappeler qu’il avait largement participer à le faire élire en 2007, cette libération de la parole d’un homme longtemps habitué à la posture de carpe masochiste a été interprétée par beaucoup comme une préparation de sortie sans retour. Aujourd’hui, François Fillon, imperturbable, semble préparer son départ par petites touches, à travers de nombreuses interventions dans lesquelles il esquisse le portrait d’un homme déterminé à ne pas partir en retraite mais à revenir jouer les rôles de premier plan. La fermeté dont il fait preuve à la fin d’un mandat bientôt terminé, lui qui avait été longtemps invisible et sans relief, les idées claires et tranchées qu’il formule dans sa tournée montrent qu’il s’agit plus d’une prise de rendez-vous avec l’avenir pour de nouveaux combats que d’un adieu aux armes.