Entamé mardi, l’examen en première lecture de la proposition de loi faite par le président du groupe Radical Citoyen et Vert (RCV), Bernard Charles, a déchaîné les passions au sein de l’hémicycle français.
40 ans après les faits, le projet en question vise à reconnaître le 19 mars comme « journée nationale du souvenir à la mémoire des victimes de la guerre d’Algérie et des combats de la Tunisie et du Maroc». « Neutralisée, aseptisée, quasiment occultée, la guerre d’Algérie n’a pas suscité la réflexion profonde qu’elle méritait », a ainsi plaidé à la tribune parlementaire le secrétaire d’Etat à la défense chargé des anciens combattants, Jacques Floch.
Au centre de la polémique – qui a aussi amené plusieurs anciens combattants et militants d’extrême droite à manifester pendant les débats -, le choix même de la date. Le 19 mars 1962 marque en effet le début du cessez-le-feu en Algérie, conclu la veille par les accords d’Evian. Dénonçant une «manoeuvre électorale» du probable candidat à la prochaine présidentielle de mai, Lionel Jospin (Parti Socialiste), l’opposition politique de droite a souligné que les combats s’étaient poursuivis au-delà, la guerre d’Algérie – entamée le 1er novembre 1954 – ayant officiellement pris fin le 2 juillet 1962. « Le 19 mars n’a pas marqué la capitulation du FLN (Front de Libération Nationale) », a dénoncé le député RPR Yves Fromion, rejoint par le député de Droite Libérale (DL), Michel Meylan, qui a affirmé que l’on allait «réveiller les haines». Seule la FNACA (Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie), proche de la gauche, a donné son accord à cette initiative qu’elle soutient depuis le début. L’UNOR (Union Nationale des Officiers de Réserve) y est quant à elle opposée. L’avenir de cette proposition de loi s’annonce donc d’ores et déjà compromis. Le texte risque de ne même pas dépasser le stade de l’Assemblée Nationale, dont le vote est prévu le 22 janvier, le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, ayant prévenu qu’il devrait recueillir au moins les deux tiers des voix pour être transmis au Sénat.
C’est dire à quel point le sujet est délicat. Ce n’est que lors du procès, en 1997-98, de l’ancien préfet Maurice Papon, que la manifestation des Algériens à Paris en octobre 1961, longtemps passée sous silence, a été évoquée, le nombre des victimes faisant toujours l’objet d’une polémique. Il a aussi fallu attendre le 5 octobre 1999 pour que le Parlement français reconnaisse officiellement «la guerre d’Algérie », jusque-là qualifiée « d’opération de maintien de l’ordre ». A l’occasion du débat à l’Assemblée, la député Marie-Hélène Aubert (Verts) a pour sa part tenté de dresser un bilan des victimes. Dans son rapport, elle indique que 22.437 soldats ont été tués pendant la guerre, et 65.000 blessés. Côté algérien, elle ajoute, entre autres, que la France reconnaît avoir tué 141.000 soldats de l’Armée de libération nationale (ALN), tandis que les autorités algériennes parlent, elles, d’un million à un million et demi de chouhadas.