François Bayrou doit en bégayer de plaisir, lui, le mal-aimé de la droite, le pestiféré de la gauche, l’incompris du centre, de voir qu’à la veille des élections européennes, il redevient une pièce maîtresse dans le jeu politique français, reprenant le fil des élections présidentielles où, à la surprise générale, il avait occupé une envieuse troisième place. Pendant les deux années qui viennent de passer, François Bayrou a vaillamment résisté à la machine destinée à le précipiter dans l’oubli et l’anonymat. Il a été, pendant cette période avec Dominique de Villepin, Ségolène Royal et Olivier Besancenot, un des rares à porter l’opposition à Nicolas Sarkozy à son firmament. Il est vrai qu’entre-temps, François Bayrou a échoué dans la seule stratégie susceptible de lui garantir une autonomie structurelle, celle de créer un grand parti politique capable de fructifier cette fameuse troisième place. Le MoDem qu’il a tenté de lancé en remplacement de l’ancienne UDF morcelée, fut un cuisant échec. Mais, François Bayrou a gardé une grande capacité d’indignation et une rancune tenace à l’encontre de Nicolas Sarkozy qu’il accuse d’être derrière tous ses malheurs, y compris celui d’avoir raté son poste de député à Pau lors des dernières législatives. Dans un livre à paraître fin avril et intitulé «Abus de pouvoir», François Bayrou compte donner chair à son permanent réquisitoire contre Nicolas Sarkozy. Un fonds de commerce porteur qui l’a maintenu vivant dans les sondages malgré la perte de nombreuses tribunes. Mais l’homme qui a réellement remis François Bayrou en selle n’est autre que l’ancien premier secrétaire du PS, François Hollande. L’ancien compagnon de Ségolène Royal a pris tout l’establishment de gauche à contre-courant en tendant une main franche et déterminée à François Bayrou. Dans une fracassante interview à l’Express qui continue de faire des vagues, François Hollande lance cette invite à François Bayrou : «Qu’il abatte ses cartes et affiche ses idées, et nous aussi. Si les divergences l’emportent sur les convergences, chacun comprendra le refus de l’alliance. Si c’est l’inverse, alors il faudra en tirer les conclusions».
Le sujet de l’alliance avec François Bayrou est d’autant plus explosif qu’il était au centre des grandes fissures qui avaient empêcher la candidate Ségolène Royal de faire consensus autour de sa personne lors de l’aventure présidentielle et des fiévreux traumatismes qui avaient secoué le PS lors de son congrès de Reims. C’est dire à quel point la proposition de François Hollande ne laisse personne indifférent. Le député Pierre Moscovici a été sans doute un des rares à en résumer la finalité : «cette initiative de François Hollande n’est pas gratuite (et) poursuit le but de l’installer dans la course présidentielle. (François Hollande) n’est pas moins légitime qu’un autre pour ça».
A l’élection présidentielle de 2012, François Bayrou y pense en permanence. Tous les tests électoraux avant cette échéance (européennes, régionales…) doivent, selon lui, conforter le front anti-Sarkozy : «Quand la question de l’alternance se posera, il faudra que tous ceux qui partagent le même projet républicain se parlent (…) Quand tous les principes républicains sont mis à mal, les clivages partisans doivent être transcendés». François Bayrou croit en sa bonne étoile. Il se sent poussé des ailes de celui qui peut, demain, incarner le recours. Surtout dans l’hypothèse où le gouvernement de Nicolas Sarkozy demeure plombé par la crise économique et que le parti socialiste reste paralysé par ses contradictions internes.
François Bayrou est l’objet de violentes attaques de la part de la droite. L’UMP de Nicolas Sarkozy n’a pas de mots assez durs pour le vilipender. Le Nouveau Centre, groupuscule lancé pour concurrencer le MoDem tente de ridiculiser son jeu de girouette : «Un jour, il se rapproche de Dominique de Villepin contre lequel il n’avait pas eu de mots assez durs au moment du CPE, allant jusqu’à voter la censure contre lui. Le lendemain il se réveille courtisant François Hollande, qui incarnait pourtant il y a quelques mois encore à ses yeux un Parti socialiste ringard et sans proposition».