Dans beaucoup de pays, les médias populaires, en particulier les télévisions, mettent l’accent sur les images spectaculaires d’une France "quasiment au bord de la guerre civile".
Ainsi, en Grèce, les télévisions ouvrent leurs journaux sur des images de voitures brûlées et d’incendies, insistant sur les dégâts causés par les "voyous" plutôt que sur les causes des émeutes. "Cette couverture est superficielle et unilatérale, elle ternit l’image de la France", commente Richard Someritis, éditorialiste du quotidien To Vima (centre gauche).
En Suède également, les deux quotidiens populaires mettent beaucoup l’accent sur la violence de part et d’autre, notamment de la police.
La manière forte employée par le gouvernement français est toutefois abondamment soulignée et la question est souvent posée de savoir s’il s’agit du meilleur choix alors que les problèmes de fond sont économiques, sociaux et sociétaux.
Le Premier ministre Gvran Persson lui-même a critiqué la gestion de la crise par les autorités françaises, lesquelles ont selon lui "choisi une voie qui implique la confrontation et dont il est difficile de voir qu’elle va mener au dialogue".
En Autriche, c’est surtout l’instauration de l’état d’urgence qui a frappé les esprits: "En autorisant le couvre-feu, le gouvernement met sous le nez des jeunes émeutiers les heures les plus sombres de l’histoire récente du pays, la guerre d’Algérie, les ratonnades, les massacres de 1961", estime Thomas Schmidinger, de l’Institut d’études politiques de Vienne.
Aux Etats-Unis, certains éditorialistes tirent un parallèle entre les évènements actuels en France et la vague de soulèvement des Noirs dans les années 1960.
Avec cette différence, souligne le New York Times, que la minorité noire aux Etats-Unis, quels que soient ses problèmes, est considérée par la majorité comme étant américaine, alors qu’on peut "douter" que "la plupart des Français envisagent que les immigrants africains et arabes et leurs enfants puissent jamais être vraiment Français, même s’ils possèdent un passeport français".
Les émeutes sont "comme le cyclone Katrina en Louisiane, qui a servi de révélateur d’une population marginalisée dont il faut maintenant s’occuper", selon le prince Karim Aga Khan, chef spirituel des musulmans ismaélites.
Plus qu’un "choc des civilisations" ou des religions, l’Aga Khan a estimé à Kaboul que ces tensions relevaient d’un "choc des ignorances".
En Pologne, où les propos peu amènes du président Jacques Chirac contre le ralliement de Varsovie à l’offensive américaine en Irak en 2003 n’ont pas été oubliés, les déboires du gouvernement français face à la crise suscitent des sarcasmes. "Les Polonais ont un brin de satisfaction à se dire aujourd’hui: les Français croient avoir la science infuse et pourtant ils se sont offert eux-mêmes ce problème et sont incapables de le résoudre", constate un analyste de l’actualité française, Marek Ostrowski.
En Russie également, les commentateurs ne sont pas tendres avec les autorités françaises, en parlant volontiers d’"impuissance". Pour le quotidien Kommersant, qui évoque un pays "en état de pogrom", "la panique a gagné l’élite politique française". Le quotidien va jusqu’à évoquer la possibilité que "la révolution d’immigrés mette fin à la Vème république".
En Asie, plusieurs médias semblent plutôt prendre la défense des jeunes ou au moins mettre en cause l’échec de la politique d’intégration. Les violences en France, comme celles agitant le sud thaëlandais à majorité musulmane, "montrent les dangers que des hommes politiques arrogants peuvent créer inutilement en tenant sans prendre garde un discours acide", écrit le Bangkok Post.
Le journal japonais Asahi Shimbun montre une caricature avec le président Jacques Chirac au milieu de jets de pierres, sabrant une bouteille de champagne portant l’étiquette "politique d’intégration".
Dans nombre de pays européens, éditorialistes et responsables politiques préfèrent l’auto-critique à la moquerie et s’inquiètent du risque de contagion du mal français.
"Chez nous aussi se développent des quartiers avec beaucoup d’étrangers, qui s’isolent de plus en plus du reste de la société", a ainsi souligné lundi le ministre allemand de l’Intérieur désigné, Wolfgang Schduble.
Quant au chef de l’opposition de centre-gauche en Italie, l’ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, il a estimé que l’embrasement des banlieues déshéritées n’était "qu’une question de temps", car les périphéries de la péninsule "sont les pires d’Europe".