Le Premier ministre irakien Nouri Al Maliki doit une fière chandelle au Sénat américain dominé par les démocrates. En adoptant une résolution qui préconise la création en Irak «d’un système fédéral de gouvernement (…) et des régions fédérales» le Sénat offre au Premier ministre irakien l’occasion de faire campagne contre la partition de l’Irak et de jouer les «unionistes» souverainistes, trait de caractère qui lui faisait tant défaut.
Cette résolution, approuvée par 75 voix contre 23, a été pilotée par le sénateur démocrate, candidat à la Maison-Blanche, Joseph Biden, et a été vendue à l’opinion publique comme la solution permettant un retrait des troupes américaines sans provoquer la chaos craint par la hiérarchie militaire américaine et les pays voisins. Cette résolution, même si elle n’est qu’à portée symbolique, constitue le second Breaking news majeur qu’à connu le dossier irakien depuis l’audition du général David Petraeus et de l’ambassadeur Ryan Crocker.
Nouri Al Maliki semble renaître de ses cendres. Affaibli par les tergiversations du mouvement «Sadriste» et les critiques acidulées de l’administration Bush, sans parler du pilonnage de ses fervents opposants comme Ayad Allaoui, Nouri Al Maliki profite de la proposition du Sénat américain pour reprendre la main. Traînant une lourde accusation de poursuivre un agenda sectaire et de bloquer, par sa mauvaise foi, le processus de réconciliation politique en Irak et la loi sur le partage des richesses pétrolières, il lance, martial, qu’«il appartient aux Irakiens de décider de telles questions et ils souhaitent maintenir l’unité de leur pays». Avant de se positionner en donneur de leçons stratégiques aux Américains : «Ils ne devraient pas proposer la division de l’Irak. Ce serait un désastre non seulement pour l’Irak mais aussi pour toute la région».
La région en question a d’ailleurs fait par de ses craintes par la voix du secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (CCG) Abdoul Rahman Al Attiya: «le seul fait de parler de la division de l’Irak aurait de graves conséquences non seulement pour l’Irak mais aussi pour la sécurité et la stabilité de la région et pour la paix du monde». Un autre ensemble régional, l’Organisation de la conférence islamique (OCI) tire la sonnette d’alarme estimant que ce plan «va renforcer les racines de l’insurrection et augmenter les crimes confessionnels parmi les enfants de l’Etat». La France a été un des rares pays occidentaux à affirmer clairement son opposition à ce plan de partition: «La France est en faveur de l’unité, de l’intégrité et de la souveraineté de l’Irak (…) C’est au peuple irakien de dire la forme constitutionnelle qu’il souhaite donner à son pays».
Le refus catégorique des Chiites et des Sunnites tranche avec la bienveillance des Kurdes, bénéficiant déjà d’une forme d’autonomie, qui applaudissent à l’idée de «reconstruire l’Etat irakien sur la base du fédéralisme» estimant qu’ «une solution fédérale pour l’Etat irakien ne signifie pas la division, mais plutôt une union volontaire».
La polémique sur la partition de l’Irak en trois régions, sunnite, chiite et kurde, comme solution pour mettre fin aux affrontements communautaires éclaire d’un jour nouveau l’approche des démocrates américains et leur possible gestion du conflit. Si le Sénat a pu formuler une solution aussi radicale refusée par l’actuel locataire de la Maison-Blanche, les principales personnalités qui se disputent la caution et les couleurs du Parti démocrate pour la prochaine bataille présidentielle ne se sont pas encore fixées de ligne de conduite claire. En témoigne le débat auquel ont participé cette semaine Barack Obama, Hillary Clinton et John Edwards.
Interrogés sur s’ils peuvent promettre qu’il n’y aura plus de forces américaines en Irak aux alentours de janvier 2013, la réponse des candidats fut évasive et trahit un manque de visibilité certain. B. Obama estime qu’il serait irresponsable de faire une telle déclaration. «Je ne peux pas prendre un tel engagement », a affirmé John Edwards tandis que Hillary Clinton admet que son hésitation est due au fait qu’« il très difficile de connaître la situation que nous allons hériter».