Les membres du Conseil de gouvernement provisoire irakien se sont attirés la foudre du tout-puissant Ayatollah Ali Sistani, suite à leur adoption de la Constitution provisoire. Le plus écouté des chefs religieux d’Irak montre notamment du doigt les obstacles que cette Constitution provisoire est susceptible de poser, à une autre, ultérieure, qui fera figure de Constitution permanente de l’Irak et qui est supposée préserver son unité et, par là-même, garantir les droits des différentes religions et des membres des différentes ethnies.
Ali Sistani avait antérieurement émis des réserves à propos de l’accord du 15 novembre, liant la coalition au Conseil de gouvernement et relatif au transfert du pouvoir en Irak. Dans ses circonspections, le plus influent des religieux chiites d’Irak avait mis l’accent sur la nécessité pour toute loi, inhérente à la période transitoire, d’être approuvée par une Assemblée générale afin d’acquérir sa légitimité.
Plus tard, Moqtada Sadr partira sur les traces de Sistani pour décrier, à coup de vocables acerbes, cette loi fondamentale provisoire. Il estime que le rôle de l’Islam a été relégué au second plan à travers la Constitution en question, soulignant que celle-ci a « ignoré avec insolence la volonté de l’écrasante majorité du peuple ».
« Cette loi négociée en secret est un document illégitime qui ne reflète pas les aspirations du peuple », a-t-il souligné. Moqtada Sadr reproche, en somme, aux signataires du document d’avoir conspiré avec les forces de l’occupation contre le peuple irakien, qui n’a eu aucun droit de regard sur le texte et ses éventuelles conséquences.
À l’autre bout du monde, Washington verse dans le sens opposé de l’Ayatollah, estimant que la signature de la Constitution en question ne peut être que salutaire, soulignant au passage la « gestation difficile » qui l’a précédé. Les Etats-Unis ont par ailleurs affirmé que le plan concocté par leurs soins – dans l’optique d’un transfert du pouvoir au Irakien au 1e juillet – était conforme aux délais prévus à cet effet. Minimisant la sortie de l’Ayatollah Ali Sistani, un haut responsable ayant requis l’anonymat a déclaré que les Etats-Unis sont résolus à appliquer cette Constitution provisoire. « Nous allons l’appliquer, ne vous faites pas de soucis. Ne gâchez pas votre sommeil à cause de cela (…) Ce qui est important, c’est le fait que ces vingt-cinq Irakiens ont réussi, par de nombreux compromis et quelques courageuses décisions, à établir un document sur lequel ils se sont mis d’accord », a-t-il déclaré de Bagdad.
Même son de cloche du côté des membres du Conseil de gouvernement irakien, qui se sont félicités de l’adoption de la Constitution provisoire. A leur tête, Mohammad Bahr Al-Ouloum, président en exercice du Conseil transitoire irakien et première personne à avoir signé le document, qui estime que l’adoption de cette Constitution est un tournant historique en Irak. Celle-ci marquerait, selon lui, un grand pas dans le retour de la souveraineté de l’Irak, un retour qui sera couronné par la mise en place d’un gouvernement élu.
Massoud Barzani, le dirigeant kurde, a quant à lui qualifié l’adoption de la Constitution provisoire de « naissance d’un nouvel Irak ». «Ce texte garantit les libertés individuelles et j’appelle tous mes concitoyens à défendre ces droits et à ne jamais y renoncer», a pour sa part indiqué le dirigeant sunnite Adnane Pachachi.
Par ailleurs, la Constitution provisoire stipule que l’Islam est la religion officielle de l’État. Outre la liberté de conscience, celle-ci garantit à la gent féminine une représentation de 25% dans les institutions politiques qui seront mises sur pied.