Les Etats-Unis vont probablement présenter un nouveau projet de résolution d’ici la fin de la semaine, après avoir examiné des amendements de plusieurs membres du Conseil de la sécurité de l’ONU, parmi lesquels la France, la Russie et la Syrie, a-t-on appris de sources diplomatiques. L’administration Bush souhaite l’adoption d’une nouvelle résolution visant à renforcer la présence militaire sur le terrain avec l’aide de la communauté internationale et à mobiliser des fonds supplémentaires. Mais, jusqu’à présent, les débats ont principalement porté sur le futur rôle des Nations Unies et la souveraineté de l’Irak. Les ministres des Affaires étrangères des cinq membres permanents du Conseil de sécurité se sont réunis samedi à Genève (Suisse) autour du secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, pour la première fois depuis la guerre en Irak. Leurs discussions ont mis en exergue le fossé qui sépare les Etats-Unis et la France, la Russie et la Chine sur un calendrier rétablissant la souveraineté de l’Irak. « Nous nous regroupons tous », affirme pourtant l’ambassadeur américain auprès de l’ONU John Negroponte, qui se trouvait à Genève avec le chef de la diplomatie américaine Colin Powell. « J’attends le retour de M. Powell après ses consultations à Bagdad, mais je m’attends à ce que, dans le courant de la semaine, le processus de réflexion pour faire avancer cette résolution reprenne ». Paris est favorable à un transfert rapide des pouvoirs: mise en place d’un gouvernement irakien provisoire d’ici un mois, projet de constitution d’ici la fin de l’année et élections au printemps prochain. Moscou et Pékin plaident également pour le rétablissement rapide de la souveraineté en Irak. Mais Washington affirme que le Conseil de gouvernement irakien doit être le moteur dans la mise en place de ce calendrier. Colin Powell a campé sur ce principe après la réunion de Genève, avertissant dimanche que la « pire chose » à faire serait de vouloir « accélérer le processus et de le voir échouer. « Il n’y a pas encore de gouvernement opérationnel à qui l’autorité peut être transférée », a-t-il ainsi estimé. De sources diplomatiques, on précisait lundi que les discussions de Genève n’ont pas permis de réduire les divergences entre les deux camps. « Nous devons maintenant écouter les Américains sur leurs projets », a souligné le vice-ambassadeur de Russie à l’ONU, Guennadi Gatilov. « Il semble qu’il n’y ait pas eu beaucoup de progrès à Genève. » Un sentiment partagé par la France, selon des diplomates du Conseil de sécurité ayant requis l’anonymat. Entre temps, le Conseil de gouvernement transitoire irakien a décidé de créer une force de sécurité pour protéger les lieux saints musulmans des violences, alors que la France semble avoir assoupli sa position sur un retour rapide à la souveraineté en Irak. L’exécutif irakien s’est penché lundi à Najaf (160 km au sud de Bagdad) sur la sécurité des lieux saints après l’attentat à la voiture piégée qui a tué un haut dignitaire chiite irakien Mohammad Baqer Hakim et plus de 80 autres personnes le 29 août et endommagé le mausolée de l’imam Ali. Il a décidé de « confier au ministère de l’Intérieur la mission de constituer dans chaque région une force de protection des lieux saints en coopération avec les autorités compétentes et les partis politiques », a indiqué son président en exercice Ahmad Chalabi. M. Chalabi a affirmé que le Conseil oeuvrait afin que « les Irakiens aient la haute main sur la sécurité ». Le frère de Mohammad Baqer Hakim, Abdelaziz Hakim, qui lui a succédé à la tête du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), a estimé que l’ex-branche armée de son mouvement, la brigade Badr, récemment transformée en « organisation Badr », « devait avoir un rôle important et primordial » pour la sécurité. Dans le contexte du transfert du pouvoir aux Irakiens, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, Jean-David Levitte, interrogé lundi sur la chaîne américaine de télévision PBS si son pays était pour un transfert immédiat du pouvoir au Conseil de gouvernement, a répondu « pas encore ». Il a souhaité « un transfert symbolique de la souveraineté de l’Irak au Conseil de gouvernement irakien, puis, aussi rapidement que possible, un transfert des responsabilités aux ministres dès qu’ils seront prêts à les exercer ».