Ils étaient ce mardi encore plus d’un millier à se rassembler devant l’université de Téhéran. Ces étudiants dits « réformateurs» ont encore une fois manifesté pour réclamer plus de droits, plus de libertés, clamant haut et fort que «les Taliban» devraient «bientôt quitter l’Iran». «Les bastonnades et les exécutions ne nous font pas peur, l’Iran n’a pas d’autre choix que la liberté», ont-ils chanté durant l’après-midi.
Cette marche de protestation devait cependant être la dernière à être organisée par la principale association étudiante de l’université Sharif, le BCU, après plusieurs jours de mobilisations marquées par des affrontements. Dénonçant cette démarche devenue de plus en plus politisée, les islamistes avaient à leur tour investi les rues de Téhéran dimanche. Et mardi, ils ont pour la première fois dépassé en nombre les réformateurs puisqu’ils ont été estimés à 2.000, en majorité des membres des milices étudiantes Bassidjis. Tous se sont réunis devant la mosquée de l’université de théologie de la ville, avec pour mot d’ordre, contrecarrer les «agitateurs» et rappeler leur soutien au guide suprême Khamenei.
Avec dans leurs rangs quelque 200 femmes en tchador, ils ont aussi annoncé un «grand rassemblement pour protester contre la mafia du pouvoir et de l’argent et contre les événements récents». Les islamistes ont aussi fait passer des tracts proclamant «mort aux Etats-Unis». En ce troisième jour de confrontations, presque aucun incident n’est toutefois survenu, les policiers ayant éloigné quelques Bassidjis venus provoquer leurs camarades du camp adverse. Et les islamistes d’avertir à nouveau qu’ils se chargeraient eux-mêmes de ramener le calme dans les universités s’il le fallait… Dimanche et lundi, les rassemblements avaient dégénéré en véritables heurts lorsque quelques Bassidjis avaient attaqué les étudiants réformateurs.
Selon la presse iranienne de mardi, un député réformateur iranien a alors été roué de coups et trois étudiants gravement blessés par des hommes armés. Environ 15 personnes ont été interpellées par la police.
Les étudiants réformateurs s’étaient mobilisés le 9 novembre dernier, trois jours après l’annonce de la condamnation à mort du professeur d’histoire de la faculté Tarbiyat Modarres, Hachem Aghajari. Lorsque dimanche, l’ayatollah Ali Khamenei avait notifié, dans un geste d’apaisement, la révision de la sentence reçue par l’intellectuel réformateur, les étudiants avaient décidé de se mobiliser deux jours de plus afin de maintenir la pression sur les autorités.
«Notre problème n’est pas seulement la révision de la condamnation à mort de Hachem Aghajari mais la liberté d’expression et la liberté tout court», avait ainsi clamé lundi devant quelque 5.000 manifestants, Abdollah Momeni, dirigeant du BCU. Car ces étudiants l’ont clairement dit : ils sont «prêts à la révolte» au moment les réformateurs tentent de faire passer deux projets de lois destinés à affaiblir le clan conservateur… Et à permettre au président Mohammad Khatami d’accélérer le processus de réformes du pays. Cette confrontation politique a ces derniers mois entraîné de vives tensions en Iran, dont les manifestations étudiantes sont des plus révélatrices : elles sont les plus importantes organisées depuis les rassemblements sévèrement réprimés de juillet 1999.