Karoutchi, ministre de Sarkozy, révèle son homosexualité

Le gouvernement de Nicolas Sarkozy aura connu toutes les originalités. Des plus politiques aux plus «People».  Rien ou presque ne lui a été épargné. Une ministre de la Justice issue de la diversité qui a accouché, sous les grandes lumières certes, mais de père inconnu (Rachida Dati), une ex-éminence grise socialiste propulsée pour porter le très contestable amalgame entre immigration et identité nationale (Eric Besson), une jeune secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme d’origine sénégalaise, en rébellion presque ouverte contre son mentor (Rama Yade)… Et un ministre qui révèle son homosexualité en plein exercice de ses fonctions. Il s’agit du secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement Roger Karoutchi. 
Voici avec quels mots il avait choisi d’argumenter sa révélation : «Je ne suis ni dans la dissimulation, ni dans l’ostentation. Je le dis de manière naturelle. J’ai un compagnon et je suis heureux avec lui. Comme je suis heureux, je ne vois pas pourquoi il faudrait que je (le) cache». Cette révélation serait la pièce maîtresse d’un livre intitulé «Mes quatre vérités» que Roger Karoutchi s’apprête à publier chez Flammarion le 4 février. La presse s’est extasiée devant le «coming out» de Roger Karoutchi en précisant que c’est la première fois qu’un ministre en exercice commet une telle révélation. Seul précédent dans les mémoires, l’exemple de Bertrand Delanoë qui, avant de devenir maire de Paris, assume publiquement en 1998 son homosexualité. 
Roger Karoutchi, cet ancien collaborateur de Philippe Seguin, ne bénéficie pas d’une immense notoriété qui permet  à un regard non familier du microcosme politique français, de le reconnaître du premier coup. Issu d’une famille juive marocaine originaire de la ville d’Essaouira (Mogador), Roger Karoutchi, né à Casablanca, fait partie de la garde rapprochée que Nicolas Sarkozy connaît de longue date sans  réellement faire partie du cercle des intimes. Agé de 57 ans, la dégaine d’un Farid Al Atrach des mauvais jours, le célèbre chanteur syro-égyptien des années noir et blanc, Roger Karoutchi fait partie de ceux que Nicolas Sarkozy charge d’expliquer sa pensée, transmettre ses messages et souvent régler ses comptes.
L’opposition a souvent été l’objet de ses critiques acérées plus par la virulence du ton que par la violence et la pertinence de la charge. Roger Karoutchi répète à l’envi que c’est Nicolas Sarkozy qui l’a presque incité à assumer publiquement son identité sexuelle en l’invitant à des dîners avec son compagnon et comble de la «tolérance», en présentant ce dernier à des chefs d’Etat étrangers. Il n’empêche que le choix du timing de cette révélation n’est pas innocent.
Roger Karoutchi livre une bataille féroce contre l’actuelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Valérie Pecresse. Tous les deux briguent avec un appétit d’affamés la tête de liste UMP aux régionales de 2010 de  Ile-de-France. Ce qui promet, vu la détermination des deux membres du gouvernement de François Fillon une impitoyable lutte fratricide. 
De là à penser que Roger Karoutchi a choisi cette stratégie pour faire parler de lui et combler un déficit de notoriété, domaine dans lequel la belle Valérie, à la coupe de cheveux bien sage et aux tailleurs biens coupés, le dépasse de très loin, il n’y a qu’un pas que de nombreux éditorialistes ont franchi allégrement.  Roger Karoutchi, avec son léger accent chantonnant du Sud, se défend de toute pensée politicienne. Il justifie son attitude par le comportement de ses adversaires : «Comme ils avaient une tendance naturelle à en parler à ma place, sans que je ne dise rien, on admettra qu’il vaut mieux que ce soit moi qui en parle». Claude Guéant, le grand Chambellan de Nicolas Sarkozy, résume l’esprit d’un tel choix : «Dans la bataille pour les régionales, il voulait dire la vérité à ses électeurs (…) c’est éminemment respectable». Roger Karoutchi donne une tonalité dramatique à sa démarche en affirmant que ses parents, à la mentalité traditionnelle et à la pratique religieuse assidue, n’étaient pas au courant de l’homosexualité de leur fils. Ce qui garantit un certain choc des mots que les photos n’ont pas forcement su révéler.