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Le débat sur la protection des sources journalistiques bat son plein au Québec

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Si les journalistes ne peuvent plus assurer l’anonymat de leurs sources, il est évident que les informateurs seront de plus en plus réticents à leur divulguer des informations.

Comment mieux protéger les sources journalistiques? C’est en substance la question qui taraude l’esprit de la communauté des médias et de celui des politiques au Canada depuis plusieurs semaines.

Depuis les révélations d’espionnage de journalistes de la part de la Sûreté du Québec, fin octobre dernier, le sujet est au cœur de toutes les discussions. A l’heure où démarrent les premières audiences de la Commission d’enquête Chamberland, une instance constituée par le gouvernement du Québec suite au dévoilement de cette affaire, le débat se poursuit.

Normal, cette affaire d’espionnage a ébranlé d’une manière générale les citoyens et plus particulièrement le monde des médias. Si les journalistes ne peuvent plus assurer l’anonymat de leurs sources, il est évident que les informateurs seront de plus en plus réticents à leur divulguer des informations.

Une situation qui pourrait porter atteinte à la liberté de la presse et par là à la démocratie, puisque qu’elle aurait un impact direct sur le débat public. D’où l’intérêt de la protection des sources qui devient fondamentale, souligne le professeur Alain Saulnier, enseignant à l’Université de Montréal (Udem). C’était lors d’une rencontre sur le sujet à la Faculté de droit de l’Udem avec la participation d’une pléiade d’intervenants. Sur la question, Alain Saulnier, ex-directeur de l’information à Radio Canada et journaliste de carrière, en sait long.

Il a été celui qui a amorcé et développé le journalisme d’investigation au Québec et connaît l’importance des sources dans la collecte d’informations, notamment dans les enquêtes. «L’émission enquête de Radio Canada est ce qui a permis de faire tous les reportages qui ont mené à la commission Charbonneau», rappelle-t-il. En effet, le journalisme d’enquête est ce qui a contribué à révéler de nombreux scandales et bien d’autres sujets d’intérêt.

Les reportages du genre ont joué un rôle essentiel socialement et ont constitué des avancées démocratiques, ajoute le professeur Saulnier.

Aujourd’hui, dans le nouveau contexte technologique, une information peut en quelques secondes faire le tour du globe. Aussi faire du journalisme du nos jours consiste, avant la production et la diffusion de l’information, à fouiller et chercher des informations pas encore connues.

L’ère numérique dans laquelle nous vivons, si elle nous offre des outils ingénieux permettant une rapide et meilleure circulation de l’information n’est pas cependant sans contraintes pour tout utilisateur. «Nous sommes de plus en plus vulnérables car il est possible de s’introduire dans nos banques de données», met en exergue l’intervenant.

D’où l’intérêt de protéger les sources confidentielles des journalistes. Leur rôle est essentiel dans la réalisation du travail journalistique pour des reportages marquants.

Mais dans le contexte actuel, force est de constater que de nombreuses menaces pèsent sur elles. Le cadre juridique actuel canadien n’offrant pas un statut particulier aux journalistes. Ils n’appartiennent pas à une organisation professionnelle spécifique et ne bénéficient pas de privilèges ou d’immunités tels que le privilège médecin-patient ou avocat-client. De plus, le législateur canadien n’a pas codifié la fouille des journalistes. Tout au plus l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés dispose que: «Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives». Me Mark Bantey, avocat spécialisé en droit des médias, souligne dans ce cadre l’intérêt de la mise en place d’une loi de type bouclier qui assurerait une meilleure protection des journalistes. Cela pourrait passer par une loi qui imputerait le fardeau de la preuve sur celui qui recherche les sources, souligne l’avocat.

Dans ce contexte, la toute récente proposition de modifications législatives du leader des conservateurs au Sénat, Claude Carignan, ouvre la voie à de nouvelles mesures en faveur de la protection des sources confidentielles des journalistes. En substance, le projet propose de modifier la loi sur la preuve au Canada ainsi que le code criminel canadien. Ceci de manière à permettre aux journalistes de soutenir devant la justice que la divulgation de l’information pourrait mener à l’identification de la source et porter préjudice à l’intérêt public.

Le gouvernement fédéral qui se dit préoccupé par la protection des journalistes et des sources confidentielles, s’est dit dans ce contexte ouvert à revoir le code criminel. Pour Pierre Trudel, professeur titulaire au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, il est important aussi de trouver dans l’environnement actuel un juste équilibre entre l’intérêt privé et l’intérêt public mais aussi entre sécurité et liberté.

D’où l’intérêt de mettre en place «une couche additionnelle de précautions qui tient compte de l’importance de l’activité journalistique dans une société démocratique», souligne l’enseignant. Il y a lieu aussi d’adapter le cadre juridique relatif à la fouille au contexte actuel. En effet, celui-ci a été élaboré à une époque oû les fouilles ne concernaient que des tiroirs. Or aujourd’hui, il est de plus en plus question d’objets informatiques. Une situation qui nécessite indéniablement un dispositif juridique adapté et non plus un cadre juridique en patchwork qui visiblement ne fait pas rempart aux dérives.

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Au Maroc et ailleurs

De  nombreux pays, dont la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Australie, reconnaissent le privilège des sources journalistiques. Au Maroc, l’article 5 de la loi n°88-13 relative à la presse et à l’édition dispose que : «Le secret des sources de l’information est garanti. Ces sources ne peuvent être divulguées qu’en vertu de décisions judiciaires et dans les cas suivants: les affaires relatives à la défense nationale et la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat ; les affaires relatives à la vie privée des personnes, sauf lorsqu’elle est en rapport direct avec la vie publique».  En d’autres termes, le secret des sources de l’information est garanti sauf si la justice demande de les dévoiler, et uniquement dans les cas relatifs à la défense nationale, la sécurité nationale et la vie privée des individus. A noter que ces dispositions relatives à la protection des sources journalistiques n’existaient pas dans le précédent code de presse marocain. Le législateur marocain les a introduites dans le nouveau texte de loi régissant la presse et l’édition, se mettant ainsi en conformité avec les standards internationaux.

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