Ces propos sont ceux d’Elie Barnavi, l’ambassadeur d’Israël en poste à Paris depuis une année. Et quand on sait que ce diplomate, proche de la gauche israélienne, défend la politique de répression de Sharon, ses assertions n’en prennent que plus d’importance.
Arafat et les autres passeront, les Israéliens et les Palestiniens seront toujours là. La solution de deux Etats vivant côte à côte est la seule viable. Un optimisme qui découle de l’incapacité d’imaginer une alternative à la coexistence.
L’ambassadeur se dit optimiste pour l’avenir du processus de paix, -après quinze mois d’Intifada et plus de mille morts palestiniens -. Et d’affirmer, dans une interview au «Courrier International», qu’ «Oslo n’est pas un coup pour rien », que ce fut une étape essentielle et «irréversible » de la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens . «Oslo me pousse à penser que le conflit est proche de sa fin», poursuit-il, en ajoutant que Rabin, l’ancien Premier ministre israélien, «est mort pour rien, car son assassinat a retardé énormément la finalisation d’un traité de paix». Le diplomate prétend également que si Ehud Barak, l’ancien Premier ministre battu par Ariel Sharon, avait été aux affaires et non Sharon, «la répression de l’Intifada aurait été la même, voire plus dure». Car, selon lui, «il faut bien comprendre que, vu d’Israël, la politique de Sharon est caractérisée par la retenue». Et de poursuivre que le Premier ministre est poussé à en faire beaucoup plus par son aile droite et par l’opinion israélienne, et que son aile gauche le réfrène. Qu’en aurait-il été s’il avait laissé libre cours à ses pulsions ? Il tient une espèce de juste milieu selon l’opinion, ajoute Barnavi, expliquant qu’il y a «une logique militaire à cela». «A un soulèvement militaire, nous opposons une répression militaire». Cela se discute, car Sharon n’aurait pas dit mieux. Le processus de paix pourra reprendre ses droits, «si nous aboutissons à un cessez-le-feu qui tienne la route», ajoute-t-il, soulignant que «tant que la violence continue, il n’est pas important de savoir qui est à la tête du gouvernement. Pour l’instant, Sharon dit avoir un plan, « qu’il ne veut pas dévoiler pour ne pas commencer les négociations en position de faiblesse». On pourrait lui rétorquer que ce plan est, au contraire, très clair : éliminer Yasser Arafat, liquider l’Intifada et réoccuper les territoires palestiniens. A propos des attentas du 11 septembre et de leurs incidences sur la région, Elie Barnavi affirme qu’ «Arafat a joué habilement en essayant d’éviter le piège dans lequel il était tombé durant la guerre du Golfe. Il a réussi à limiter les dégâts». Evoquant, par ailleurs, la gauche israélienne Barnavi estime que celle-ci est «profondément désunie». «Son pivot historique, le Parti Travailliste, qui apporte une alternative concernant la logique politique, connaît la crise la plus grave de son histoire. Avec une moitié du parti au sein du gouvernement d’union nationale et l’autre à l’extérieur, dans l’opposition. De plus, ajoute-t-il, l’élection de Benyamin Ben Eliezer, le 28 décembre 2001, à la tête du Parti «laisse un goût très amer».
Concernant la stratégie, Barnavi affirme l’existence d’un clivage entre les défenseurs du partage et les défenseurs de l’occupation des Territoires pour des raisons sécuritaires, religieuses ou historiques. Et de conclure que « le grand désarroi du camp de la paix peut rappeler aux Français ce qui s’est passé avec la gauche au temps de la guerre d’Algérie ». A elle seule, cette réflexion mérite trois pages de commentaires…