Monde

Le non crie victoire à la Bastille, le oui grimace au PS et à l’UMP

Il est pourtant 22 heures passées, moment attendu de l’annonce
du résultat, et les ténors du non ne se pressent pas encore. Seuls quelques
applaudissements et deux ou trois «On a gagné !» s’échappent de la centaine
de manifestants massée devant le podium mobile. Micro et téléphone portable
en main, c’est un militant du PC qui annonce les résultats. «C’est qui
celui-là ?» se demande-t-on à tour de rôle chez les Verts, la LCR et même
les communistes. «On s’en fout, l’essentiel c’est qu’on leur a foutu la
pâtée !» crie un homme dont la cravate à fleurs de lys détonne. Français
vivant en Grande-Bretagne, où il défend les couleurs du parti conservateur,
il savoure la victoire du non avec une vigueur qui en surprend plus d’un.
«Ça c’est sûr que si on m’avait dit que je partagerais un jour ma joie avec
des communistes, je n’y aurais pas cru, s’amuse-t-il. Mais il fallait s’unir
sur ce coup-là et j’assume !»

Tout est prêt pour faire la fête. Les buvettes, comme les quatre à cinq
groupes de rock prévus pour l’occasion. Premier à entonner la victoire du
non : un groupe «Musette, punk, manouche», «histoire de chauffer le public
en attendant une foule plus nombreuse», assure Patrick, responsable des
Verts du Val-de-Marne. «Le vicomte de Villiers, s’il nous rejoint pour
danser la carmagnole, ne sera pas déçu !» Vers minuit, ils étaient trois
mille à célébrer la victoire du non.

 
Chez Villiers, on applaudit Fabius et Buffet
D’abord l’explosion de joie. 55%. Depuis le début de la soirée, le chiffre
circulait parmi les militants de Philippe de Villiers, sans que personne ne
semble trop y croire. Et surtout pas les «vétérans» de Maastricht qui
avaient encaissé durement à l’époque le oui français. «Tu te souviens,
c’était triste», confie cette militante à un ami. Prudente en début de
soirée, elle expliquera plus tard vivre «la revanche de Maastricht».

Du côté des plus jeunes, l’optimisme s’affichait avec beaucoup moins de
retenue. Il n’a cessé de se renforcer au fil de la soirée. Avec quelques
scènes surprenantes par moments. Comme ces acclamations qui ont jailli
spontanément lorsque les écrans de télévisions ont diffusé des images de
Laurent Fabius, d’Henri Emanuelli, de Jean-Marie Le Pen et de Marie-Georges
Buffet en train de voter.

«Un non d’avenir» promettait le slogan de campagne de Philippe de Villiers.
Après l’explosion de joie de 22 heures, la clameur scandée par près de
quatre cents militants a enflé dans la salle jusqu’à en devenir
assourdissante : «Chirac démission, Chirac démission…»
 
Marseillaise et champagne au FN
Ils l’ont savourée par avance, pendant deux heures, cette victoire, les
sympathisants du Front national réunis à Saint-Cloud. Personne ne
plastronnait, mais tout le monde savourait la quasi-certitude d’être dans le
camp des vainqueurs. Dès 20 h 30, tombent les premiers résultats partiels
recueillis dans des petites communes rurales. A 21 heures, les militants
distribuent des drapeaux tricolores. Le champagne est prêt. Le sentiment
d’euphorie qui se répand dans la foule, c’est un jeune cadre du parti qui en
explique le mieux la cause : «On a fait une campagne acharnée depuis neuf
mois, et nos idées ont fait des petits ! C’est un nouveau départ pour le
FN.» A l’approche de 22 heures, les sympathisants se rassemblent autour des
écrans de télévision. Les poitrines crient les secondes qui séparent encore
l’assistance de l’annonce des résultats. Le verdict des urnes à peine connu,
la salle éclate de joie et entonne La Marseillaise en agitant les drapeaux
tricolores.
 
Les chansons d’Emmanuelli
«C’est énorme !» Une centaine de jeunes crient, pleurent, sautent de joie
dans ce centre culturel du XXe arrondissement qui sert de siège à Henri
Emanuelli. La fête a commencé bien avant 22 heures, dès l’arrivée d’Henri
Emanuelli, ovationné pour «avoir osé dire non le premier». «France
socialiste, puisque tu existes, tout devient possible ici et maintenant»,
entonnent-ils à tue-tête, se souvenant ainsi de «l’hymne» de 1981, écrit par
Mikis Théodorakis. Tapant dans leurs mains ou brandissant fièrement une rose
rouge, ils reprennent également la chanson de Téléphone «Je rêvais d’un
autre monde». Les étiquettes des saucissons, du fromage, des bouteilles de
vin, des bières et des jus d’orange ont été troquées contre les autocollants
rouges du non.

Même des tout-petits ont fait le déplacement, en poussette pour certains.
«Ils ont voté avec nous», sourit la jeune maman de Jeanne et Jules, trois et
cinq ans, qui arborent le badge du non et tapent également dans leurs mains.
Installés dans la petite salle de projection, huant et sifflant les
apparitions télévisées de Le Pen, Hollande, Strauss-Khan ou MAM, ils
entament le compte à rebours. A 22 heures, c’est l’explosion de joie et
d’émotion. Avant minuit, tous se dirigent enfin vers la place de la
Bastille. «Ca se fête malgré la pluie, c’est magnifique», confie, ému,
Félicien, 16 ans.

Rue de Solferino, des sifflets pour Emmanuelli
Vers 22 h 15, Rue de Solférino, des huées et des cris s’élèvent sous le
chapiteau blanc dressé dans la cour. Henri Emanuelli vient d’apparaître sur
un des nombreux écrans de télévision. Toute la déception et le désespoir des
militants se focalise sur lui. Lorsque François Hollande viendra parler à la
tribune, une demi-heure plus tard, les applaudissements fusent. Après
l’annonce des premières estimations, l’ambiance, déjà morne, vire au
sinistre. Anne Hidalgo, la première adjointe du maire de Paris, s’éclipse
vers 21 heures pour rejoindre l’Hôtel de Ville. «C’est plié, il n’y a rien à
faire. Les sondages parlent de 55% pour le non.» Pas d’autre commentaire. Le
ton balance entre l’agacement ou le désespoir. Autour du buffet campagnard,
le petit groupe de militants est pris d’assaut par les deux cents
journalistes présents. Philippe, la quarantaine bien sonnée, se dit
«fatigué». «On savait que les Français étaient irrationnels, maintenant on a
la confirmation qu’ils sont aussi irresponsables. Ce non manifeste la peur
de l’autre. La France reste xénophobe.» Non loin de lui, Jeanine est aussi
désespérée. Originaire de Dax, elle ne peut supporter de voir Emanuelli sur
les écrans. «J’ai envie d’aller vivre ailleurs, dans un autre pays, là où
l’on aura pas peur de l’autre !» Après avoir répondu aux innombrables
sollicitations de la presse, les militants s’en sont allés, en petits
groupes, silencieux.
 
A l’UMP, «c’est mort»
Devant le siège de l’UMP, quatre adolescents piétinent. Arborant un T-shirt
au sigle du parti, Charles-Edouard s’avoue «stressé» : «Il ne faut pas se
fier aux sondages, mais, en tractant dans la rue, j’ai eu le sentiment que
le non était devant.» Avant de poursuivre, dépité : «De quoi vais-je avoir
l’air, dans trois semaines en Grande-Bretagne ?» A l’intérieur, les buffets
ne sont pas encore garnis, des militants sont en quête du sondage le plus
fiable. Ronan, «très très déçu», assure : «Ce n’est pas un échec du
gouvernement, c’est tout simplement un gâchis.» Seuls à vouloir y croire
jusqu’au bout, malgré les prévisions des instituts de sondage, deux
Antillais : «Le oui va l’emporter, c’est sûr. Car la Constitution est un
texte politique qui respecte les droits de l’homme.» La fillette aux yeux
pétillant des étoiles de l’Europe, emblème de campagne, est encore à
l’affiche. Plus pour longtemps… Il est 22 heures, le non vient
d’apparaître sur les écrans de télévision. Sarkozy va parler dans quelques
minutes. Responsable des Réformateurs UMP, Jérémy Redler lâche : «Bon, c’est
mort.»

 
D’après Le Figaro

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