Ahmed Aboutaleb, 47 ans, qui possède la double nationalité néerlandaise et marocaine, a reconnu qu’il y avait «beaucoup de crainte» et de «méfiance» chez les habitants de la deuxième ville du pays, dans un discours prononcé à la mairie et diffusé sur Internet.
«Beaucoup de gens sont très inquiets dans un monde où tout change», a déclaré M. Aboutaleb, membre du Parti travailliste (PvdA). «Des églises disparaissent et des mosquées apparaissent : cela met les gens mal à l’aise et nous ne devons pas sous-estimer ces sentiments de peur et d’incertitude et je ne le ferai sûrement pas».
Rotterdam est la ville d’origine du leader populiste néerlandais Pim Fortuyn, à la fois honni et acclamé pour sa rhétorique anti-immigration. M. Fortuyn a été assassiné en mai 2002 par un activiste de la cause animale, à quelques jours des élections législatives qu’il était sur le point de remporter. Devant la mairie où se déroulait la cérémonie, une banderole déployée par des manifestants clamait que «Pim Fortuyn n’aurait pas aimé ce qui se passe aujourd’hui ici», a rapporté l’agence de presse ANP. Alors que certains hommes politiques de droite ont exprimé leurs doutes sur la «loyauté» de M. Aboutaleb envers son pays d’accueil, celui-ci a assuré qu’il avait «choisi physiquement et mentalement les Pays-Bas».
Le Maroc ne permet pas à ses citoyens de renoncer à leur nationalité.
Dans son discours, M. Aboutaleb a appelé à un débat sur les fondements démocratiques et constitutionnels du pays. La liberté d’expression et de religion, l’égalité entre hommes et femmes et entre homosexuels et hétérosexuels divisent les Néerlandais, traditionnellement libéraux, et la population musulmane, a-t-il souligné.
«La confiance est un ingrédient de la cohésion sociale mais elle est aussi le lubrifiant de notre économie. Instaurer la confiance est un investissement dans la croissance économique. Une société où les gens ont confiance les uns dans les autres est plus forte», a affirmé le maire.
Ahmed Aboutaleb, né à Beni Sidel au Maroc en 1961, est venu vivre aux Pays-Bas à l’âge de 14 ans. Il a travaillé comme journaliste puis comme porte-parole ministériel avant de devenir conseiller municipal à La Haye et à Amsterdam puis secrétaire d’Etat aux Affaires sociales. Les Pays-Bas avaient accueilli avec enthousiasme la nomination le 16 octobre de M. Aboutaleb, désigné par le conseil municipal de Rotterdam, ville portuaire de 580.000 habitants. Les Marocains constituent l’une des principales communautés étrangères au pays, avec 350.000 ressortissants, selon leur ambassade. Depuis l’irruption de Pim Fortuyn dans le paysage politique, les partis ont peu à peu rompu avec la traditionnelle tolérance envers les différences culturelles et religieuses et ont commencé à critiquer l’Islam et l’immigration. La ministre travailliste de l’Intérieur, Guusje Ter Horst, avait vivement attaqué les jeunes Marocains en septembre. Selon les statistiques, 20% des Marocains de 18 à 25 ans sont «en contact avec la police (…) Vingt pour cent, c’est trop et il faudra prendre des mesures», avait-elle affirmé.