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Les ambiguïtés d’une lutte

La lutte contre le terrorisme, lancée au lendemain des attentats du 11 septembre, a directement conduit les Américains en Afghanistan en octobre 2001. Leurs objectifs : libérer les Afghans du giron fondamentaliste des Taliban, définitivement déchus en décembre, et éliminer le réseau Al-Qaïda. Si la première mission a été accomplie, la seconde présente aujourd’hui un bilan plus modeste.
Considéré comme responsable des attaques contre le World Trade Center et le Pentagone américains, le réseau a certes été déstructuré. Mais après 10 mois de campagne, le sort des deux hommes les plus recherchés au monde, le chef suprême des Taliban le mollah Omar, et le leader d’Al-Qaïda Oussama Ben Laden, relève encore du mystère. Mercredi, le secrétaire américain à la défense Donald Rumsfeld ne répétait-il pas encore une fois devant le Sénat qu’«à l’évidence les Etats-Unis ne savent pas où (Ben Laden) est, s’il est vivant ou s’il est mort, (…) il est peut-être sérieusement blessé, il est peut-être en Afghanistan, il est peut-être ailleurs» ? Face à une opinion impatiente et des responsables politiques sceptiques, l’administration Bush semble avoir de plus en plus de mal à justifier son opération «Liberté immuable».
D’autant plus qu’une autre question devient lancinante : Al-Qaïda ne s’est-il pas reconstruit, plusieurs proches de Ben Laden ayant pu prendre la relève ? Les Etats-Unis sont aussi confrontés aux réticences des Européens concernant le renouvellement du mandat de l’ISAF, la force de paix internationale dirigée par la Turquie, ou les opérations de la coalition américaine en Afghanistan.
Les récentes bavures, dont le bombardement d’un village où se déroulait un mariage début juillet (48 morts et une centaine de blessés), accentuent encore les critiques. Mais pour Washington, arrêter sa traque, confortée par la menace de nouveaux attentats contre les intérêts américains, n’est pas à l’ordre du jour.
Cette situation d’état de guerre a justifié de nombreuses mesures controversées de même que la détention de plusieurs centaines de personnes – non inculpées – sur la base navale de Guantanamo (Cuba). L’autre opération, «Balitakan» lancée peu après «Liberté immuable» a quant à elle pris fin mercredi aux Philippines (Asie du sud-est) avec un bilan plutôt maigre : élimination d’un chef du groupe Abu Sayyaf et libération d’un otage américain. Fin du terrorisme en Asie du sud-est ? Le maintien de 100.000 soldats et la tournée de Colin Powell dans la région montrent que les Etats-Unis n’en ont pas encore fini avec ce front. La Malaisie, la Thaïlande et les deux incontournables voisins, l’Inde et le Pakistan, ont même été rappelés à l’ordre.
La rencontre, si brève fut-elle, entre le secrétaire d’Etat américain et son homologue nord-coréen Paek Nam-sun, à Brunei mercredi, a aussi montré toutes les subtilités de la stratégie de Washington en la matière.
La Corée du Nord, l’Iran et l’Irak avaient été classés dans un «axe du mal» en janvier, accusés qu’ils étaient de produire des armes de destruction massive. Si le discours est aujourd’hui le même, l’administration Bush a toutefois laissé ouverte la voie diplomatique avec les deux premiers. Et a focalisé toutes ses velléités belliqueuses sur le troisième. Mardi, Donald Rumsfeld a même précisé que la politique de son pays était «celle d’un changement de régime en Irak (et que) ce n’est pas le cas pour les autres », faisant état d’un lien entre Al-Qaïda et Baghdad. George W. Bush avait lui-même déclaré le 8 juillet que pour parvenir à un «changement de régime » en Irak, il utiliserait «tous les moyens».
La presse a depuis fait état de préparation de plusieurs plans de guerre attisant l’inquiétude des alliés européens – Grande-Bretagne exceptée – et arabes. A côté de l’Asie du sud, de l’Afghanistan, de l’Iran, l’Irak et de la Corée du Nord, la Maison blanche a mené une politique pour le moins ambiguë face au conflit israélo-palestinien. Mercredi, le président Bush a encore promis de ne pas baisser les bras dans «la lutte contre le terrorisme», suite au dernier attentat de Jérusalem.
«Je tiens à faire savoir clairement aux tueurs qu’ils ne nous empêcheront pas de rallier le monde pour combattre leur terrorisme, ni de faire avancer notre vision de la paix», a-t-il alors déclaré, plaçant la sécurité dans la région comme préalable à toute discussion.
C’est d’ailleurs au nom de ce même terrorisme que le président américain a réclamé le départ de Yasser Arafat et la création d’une force de sécurité palestinienne chargée de «combattre la terreur». «Et non pas», a-t-il répété mercredi, allusion faite au président palestinien, «de maintenir au pouvoir certains responsables incapables d’aboutir à des résultats concrets dans la lutte anti-terroriste». La paix au Proche-Orient constitue d’ailleurs un enjeu de taille pour des Américains conscients qu’une action militaire contre l’Irak pourrait avoir des conséquences imprévisibles.
En attendant de pouvoir convaincre leurs partenaires, les Etats-Unis, visiblement lucides, ont décidé de mettre en place un bureau chargé d’améliorer leur image dans le monde. Les décisions de George W. Bush sont en effet très souvent perçues de façon négative.
« Beaucoup voient les Etats-Unis comme arrogants, hypocrites, égocentriques, complaisants vis à vis d’eux-mêmes et méprisants vis à vis des autres», notait un rapport du Conseil sur les relations étrangères américain mardi. Une étude qui a mené à la conclusion suivante : il faut créer un bureau «pour veiller à ce que le message de George W. Bush soit bien compris».

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