Malgré la peur et la crainte des violences, un raz-de-marée de pèlerins a déferlé autour du mausolée de Hussein, pour faire revivre la mémoire de leur troisième imam, tué par les Omeyyades sunnites en 680.
Au rythme de tambours, les processions doivent se poursuivre jusqu’à minuit devant les mausolées de Hussein et de son demi-frères Al-Abbas, où les hommes, habillés de noir, se flagellent ou se frappent la poitrine sous des bannières rouge, noir et verte.
La cérémonie qui coëncide avec le troisième anniversaire de l’invasion de l’Irak par les troupes d’une coalition conduite par les Etats-Unis, a été placée sous haute surveillance, et plus 10.000 policiers, 2.000 commandos et 1.500 ont été mobilisés pour prêter main forte à la police de la province.
"Nous sommes venus à Kerbala pour prouver que nous n’avons pas peur des Takfriri (les extrémistes sunnites liés au chef d’Al-Qaida en Irak, Abou Moussab al-Zarqaoui) ni des Saddamistes (les partisans du président déchu Saddam Hussein)", dit Jawad Ahmad, 40 ans, originaire de Bagdad.
Une dizaine de pèlerins ont été tués dans des attaques sur les routes menant à Kerbala ces derniers jours. Des dizaines d’autres ont été blessés par des tirs attribués aux rebelles sunnites au moment où la tension entre les deux communautés n’a jamais été aussi vive.
Dans un message à cette occasion, chef du puissant Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), Abdel Aziz Hakim, a pointé du doigt ces groupes, en les accusant de "chercher à attiser une guerre confessionnelle".
"Les takfiri et les saddamistes mènent un guerre haineuse et sans merci contre Ahl al-Bait (les chiites), mais je vous invite à être conscients de la gravité de la situation dans le pays et à ne pas vous laisser entraîner dans une guerre confessionnelle", a dit le chef du principal parti chiite irakien.
Depuis une semaine, près de trois millions de personnes ont défilé dans la ville, au sud de Bagdad, venus le plus souvent à pied, selon une estimation du gouverneur, Akil al-Khazaali. La célébration a atteint son moment fort lundi.
Ahmed Khadem, 36 ans de Nassiriyah, dans le sud du pays, dit vouloir prouver que les chiites sont "prêts à tout sacrifier pour l’imam Hussein".
Des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants, se sont installés à même la rue, les hôtels de la ville affichant tous complets. Les habitants, selon une coutume ancestrale, se chargent de nourrir ces pèlerins.
"La capacité d’accueil est limitée et nous appelons les autorités à régler ce problème", dit un propriétaire d’hôtel, Abou Rassoul, 55 ans.
Mais les autorités se disent plutôt concernées par les problèmes de sécurité car depuis deux ans, ces rites sont devenus la cible des rebelles sunnites. En 2005, quarante-quatre personnes étaient mortes dans un attentat à Kerbala, tandis que 170 personnes avaient été tuées dans des attaques sanglantes en plein deuil chiite à Bagdad et à Kerbala en 2004.
Dans une alerte dimanche, trois missiles Grad ont été tirés sur Kerbala, dont seulement un est tombé dans la ville, sans faire de victime.
Après ces tirs, le gouverneur a affirmé avoir demandé en vain à la Force multinationale une couverture aérienne pendant le pèlerinage.
"C’est la première fois que les terroristes utilisent ce type de missile", avait dit le gouverneur, notant qu’ils n’ont pas réussi à s’infiltrer en ville.
Le Grad, dont la fabrication avait été lancée en URSS pour remplacer les célèbres "Katioucha" ou "orgues de Staline", a une portée de 25 kilomètres.