Dans le cadre de sa tournée maghrébine, le secrétaire d’Etat adjoint américain chargé l’Afrique du Nord et du Proche-Orient se trouvait dimanche et lundi à Alger. Une visite qui s’est soldée par une première : l’annonce d’une future livraison américaine d’armes au régime Bouteflika. «Nous peaufinons un accord portant sur la vente à l’Algérie d’équipements militaires de lutte contre le terrorisme», a ainsi révélé William Burns après que les Etats-Unis, tout comme l’Europe, aient longtemps refusé de fournir un tel matériel à un pays où les violences islamistes perdurent depuis plus d’une décennie. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Washington s’était d’ailleurs contenté d’inscrire le Groupe islamique armé -GIA- et le Groupe salafiste pour la prédication et le combat -GSPC- sur la liste des organisations terroristes internationales susceptibles d’avoir un lien avec Al Qaïda.
L’offre américaine répondra-t-elle pour autant aux exigences d’Alger dans sa lutte contre les groupes islamistes armés ? Le pays s’est toujours plaint de son manque d’armes perfectionnées tels les hélicoptères d’attaque et les équipements de vision de nuit à infra-rouge. Lundi, Williams Burns a évité de donner une quelconque précision sur la teneur de cette livraison promise, insistant plutôt sur une nouvelle coordination en matière de «renseignement sécuritaire». Cette aide, quelle qu’elle soit, devra d’ailleurs faire l’objet d’un vote au Congrès américain et entrer dans le cadre d’une nouvelle augmentation des crédits militaires américains, avant de devenir concrète.
Mais la Maison-Blanche l’a dit : elle est prête à aider l’Algérie, pays avec lequel elle a dit entretenir «d’excellentes relations», et compte «renforcer tous les domaines de la coopération». Fini donc l’embargo imposé à l’Algérie depuis mars 1993 ? Selon Le Matin de mardi, «l’Américain a tenu à rappeler que la lutte contre le terrorisme n’était pas antinomique avec le respect des droits de l’Homme», ce qui avait justement été reproché au pays voilà dix ans. Le même quotidien est aussi revenu sur la manière dont «l’Algérie a détourné l’embargo» pendant toutes ces années, en s’approvisionnant «principalement auprès de la Russie, son premier fournisseur, puis de l’Afrique du Sud et du Qatar».
Et Le Matin de rappeler que «ce dernier pays a négocié, il y a deux ans, un contrat de 7,5 millions de dollars» avec Alger, une transaction «présentée sous forme de don pour contourner le boycott des pays européens». Toujours selon Le Matin, «500 appareils (militaires de vision nocturne) avaient été commandés cette même année auprès des firmes Land-Rovers et Pilkington Optronic à Londres».
Pourquoi aujourd’hui ce revirement américain ? M. Burns a seulement expliqué que des concertations entre Alger et Washington étaient en cours pour faire face «de manière plus appropriée» au terrorisme. Reste à connaître, selon la presse nationale, le contenu des promesses faites côté algérien, lors des entretiens qu’ont eu lundi le secrétaire américain et le président Bouteflika, un an après la première visite de Williams Burns dans la région.
Les va-et-vient américains dans le pays illustrent en tout cas clairement le regain d’intérêt -pas seulement pour les hydrocarbures, dira M. Burns- de Washington pour l’Algérie, qui doit encore accueillir le secrétaire adjoint au commerce, Samuel Bodman, et M. Grossman, sous-secrétaire d’Etat américain chargé des affaires politiques, début 2003. Il y a aussi la récente création de la Chambre du commerce des hommes d’affaires algéro-américaine, l’implantation de l’entreprise pharmaceutique américaine Pfizer dans le pays et le soutien de Washington à l’entrée de l’Algérie dans l’Organisation mondiale du commerce. Selon la Tribune, le renforcement de cette coopération économique a d’ailleurs «lui aussi, figuré, au même titre que le sécuritaire, sur l’agenda des consultations entre le secrétaire d’Etat adjoint et ses hôtes algériens».
D’après le quotidien, «l’intégration du Maghreb en tant que marché global, ce bloc économique soudé et tant souhaité par les Etats-Unis», a été largement évoquée entre les deux parties. Au menu des discussions a aussi figuré le dossier irakien, pour lequel l’administration américaine a dit souhaiter maintenir des «contacts très étroits» avec Alger.