C’est parti, le coup d’envoi de la campagne présidentielle en Egypte a été donné hier. Durant trois semaines, les candidats devront conquérir les suffrages de 32 millions d’électeurs. Une campagne sans précédent vu que c’est la première fois que les Égyptiens seront appelés à désigner directement leur président. La liste définitive des candidats ne comprend ni indépendants ni femmes ni chrétiens. L’amendement de la Constitution égyptienne qui a permis la présentation d’éventuelles candidatures à la présidence avait posé des mesures très strictes bloquant la porte des élections devant plusieurs personnalités politiques.
Dans cette campagne, neuf candidat sont en lice. Parmi eux, se trouve le fameux opposant Ayman Nour. Inconnu au bataillon, il y a un an, le jeune avocat s’est vite créé une notoriété au sein de la scène politique égyptienne pour devenir l’adversaire numéro un de Hosni Moubarak. Ce challenger médiatisé est connu pour son habileté politique et son audace dans l’opposition.
C’est aussi un homme qui sait trouver les mots justes pour convaincre, un véritable maître dans l’art de la persuasion. Ses talents lui permettront de braquer les projecteurs, en Egypte mais aussi et surtout au-delà de ses frontières. Ce n’est pas un hasard si ce compétiteur est devenu la bête noire du régime. Actuellement, il est sous le coup d’une procédure judiciaire pour falsification de papiers, une accusation qui, pour lui comme pour ses supporters, aurait été montée pour le disqualifier. Après avoir été emprisonné, Ayman Nour a été récemment relâché par une Cour égyptienne qui a décidé de reporter son procès pour lui permettre de disputer les élections de septembre.
Evoquant ce procès, Ayman Nour avait déclaré à plusieurs reprises aux médias qu’il visait à nuire à sa crédibilité et à son image. Cependant, il a affirmé que tout le monde savait que le dossier d’inculpation est monté de toutes pièces. M. Nour, patron du parti al-Ghad (demain), s’impose comme le chef de file des néo-libéraux. Pour lui, l’Egypte a fortement besoin de changement. « Nous avons besoin de changer le pays après 24 ans de dictature militaire, 24 ans de détérioration de la situation sociale, économique et politique. Notre génération a été bannie de la scène sociale.
Maintenant, nous voulons briser ce monopole que le régime impose », avait-il déclaré dans un entretien accordé à l’hebdomadaire américain Newsweek.
Ayman Nour n’est pas le seul à se distinguer parmi les neuf candidats en lice. Une autre figure emblématique de la scène politique égyptienne se présentera aux présidentielles. Il s’agit de Nomaane Gomaa. À 70 ans, ce dirigeant du Néo-Wafd, héritier du grand parti de la lutte pour l’indépendance et contre la tutelle britannique, devra lui aussi se présenter contre Hosni Moubarak.
Ce dernier tient les rênes du pouvoir pendant un quart de siècle. Soumis à une pression internationale, en particulier des Etats-Unis, il s’est vu dans l’obligation d’amender une réforme constitutionnelle pour permettre des élections présidentielles pluralistes au suffrage direct.
Auparavant, les Egyptiens pouvaient seulement approuver ou rejeter un candidat désigné par un Parlement aujourd’hui contrôlé à plus de 90 % par le Parti national démocrate (PND) du président Moubarak. Le pouvoir avait auparavant refusé tout contrôle international du scrutin. Le conseiller politique de Housni Moubarak avait justifié ce refus par le fait que L’Egypte n’était pas sous le mandat de pays étrangers pour pouvoir accepter cette requête.
Par ailleurs, le fameux mouvement Kefaya ("Ça suffit"), organisateur de manifestations anti-Moubarak depuis un an et demi, a appelé à boycotter le scrutin. Le parti estime ce scrutin non démocratique.
La campagne s’ouvre alors que l’Egypte se retrouve également confrontée au terrorisme après les attentats de Sinaï, une région extrêmement sensible parce qu’elle est frontalière d’Israël et de la bande de Gaza. Dans ce climat peu commode, Ayman Nour arrivera-t-il à détrôner le Raïs ? Une chose est sûre, la bataille s’annonce rude.