Si le couple Sarkozy-Fillon a décidé d’engager la responsabilité du gouvernement sur une question aussi sensible que la réintégration du commandement militaire de l’Otan, c’est pour deux raisons principales aux visées politiques opposées. La première est de permettre à l’opposition d’exprimer ses griefs dans un cadre solennel institutionnel qui ajoute de la légitimité à cette «rupture». La seconde est d’empêcher la droite, notamment celle traversée par des courants gaullistes, de se déchirer publiquement sur une question qui touche, selon leurs convictions, à l’indépendance et à la souveraineté du pays. Le débat parlementaire, avec comme enjeu principal la confiance au gouvernement, a pour vocation collatérale d’empêcher que les «brebis galeuses» de la majorité présidentielle ne soient plus audibles, l’enjeu étant de ne pas aider la gauche à renverser le gouvernement.
Si pour toutes ces raisons, quelques leaders de la droite, intimement convaincus de l’erreur stratégique de Nicolas Sarkozy de réintégrer le commandement militaire de l’Otan, n’ont que timidement fait part de leurs réserves, décochant ici et là des petites phrases qui nourrissent plus le débat qu’elles ne participent à bloquer ce retour, l’opposition s’en est donnée à cœur joie en essayant de forger un argumentaire qui interpelle la pertinence politique de la démarche de Nicolas Sarkozy. Et encore une fois, c’est Laurent Fabius qui a su monter le réquisitoire le plus complet pour démontrer les logiques de ce choix politique et militaire. Laurent Fabius dit dans le texte que ce retour qualifié «d’erreur», priverait la France de nombreux atouts politiques et diplomatiques: «La France est solidaire avec ses alliés mais a une position singulière, elle fait le pont entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest. C’est pour cela que nous pouvons parler aux pays arabes et à tous les pays du monde». Et à tout ceux, atlantistes convaincus qui tentent de lui expliquer que cette intégration ne changerait rien à la politique de la France, Laurent Fabius smashe d’une revers de la main ce plaidoyer de la défense : «si ça ne changeait rien, on ne voit pas pourquoi le président de la République prendrait une position si solennelle et le gouvernement engagerait sa responsabilité». D’ailleurs, anticipant la situation, le Parti socialiste a voulu créer un garde-fou par le biais de cette proposition : «Si la France intégrait le commandement intégré de l’Otan, nous demanderions une mission parlementaire d’évaluation annuelle». D’autres symboles de l’opposition ont essayé d’expliquer en quoi cette intégration pourrait largement limiter la marge de manœuvre française comme l’ancien ministre socialiste de la défense Jean-Pierre Chevènement: «L’Otan est une organisation qui est très largement tributaire des orientations de la diplomatie américaine (…) on ne pèse pas du tout et on perd cette distance qui permet de dire non. On ne peut pas dire non tout le temps quand on est intégré». J.P. Chevènement est entré dans l’histoire pour deux faits d’arme majeurs : avoir enrichi la pratique politique d’une phrase couperet qui résonne encore dans les salons ministériels : «Un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne» et d’avoir lui même terrassé vaillamment un long coma qui voulait l’entraîner dans l’au-delà. D’autres voix de la gauche s’étaient levées pour critiquer ce retour comme les Verts qui estiment que cette décision est un symbole «mauvais pour les peuples de la planète qui attendaient de la France qu’elle porte une autre voix : celle des droits de l’homme, du respect, de la justice» ou alors que la CGT estime que : «Ce n’est pas en renforçant l’Otan qu’une Europe pleinement indépendante des Etats-Unis tant que le plan politique que militaire émergera avec une conception du monde fondée sur le progrès social, le co-développement et la paix». L’actuel ministre de la Défense, Hervé Morin, avait tenté de rassurer ceux qui craignent pour l’indépendance de la France: «En aucun cas, l’indépendance de la France n’est remise en cause par le fait d’intégrer les structures militaires de l’Otan (…) Nous resterons maîtres de nos forces au sein de l’Alliance atlantique, de décider de participer à une opération ou non, du niveau de notre engagement et de l’équipement de nos forces».