Une réalité politique difficile à ignorer : le parti de la majorité présidentielle, l’UMP, vient à peine de finaliser ses listes pour les élections européennes. Ce fut lors d’une réunion la semaine dernière entre Nicolas Sarkozy, François Fillon et l’actuelle direction de l’UMP, emmenée par l’ambitieux Xavier Bertrand qui anime la campagne des européennes avec ce slogan qui en dit long sur l’esprit combatif de l’UMP : «Engagements pris, promesses tenues, la France change». Ce retard à l’allumage est le fruit direct des difficiles tractations pour former des listes entre les multiples sensibilités politiques qui forment le grand astre de l’ouverture politique imaginée par Nicolas Sarkozy. Le dosage vers le nouveau centre que dirige le ministre de la Défense Hervé Morin et la récompense de «la Nouvelle Gauche» dirigée par Jean-Marie Bockel sans parler de l’ouverture vers «les sarkozystes», aigris de ne pas avoir suffisamment été sollicités.
L’arbitrage final porte l’empreinte visible de Nicolas Sarkozy. Et à tous ceux qui reprochent au président de la République de se muer, le temps d’une élection, en chef d’orchestre d’un parti, le président de la Commission nationale d’investiture de l’UMP Jean-Claude Gaudin a trouvé la parade : «Vous croyez qu’Angela Merkel ne s’intéresse pas à qui, depuis l’Allemagne, ira siéger à Strasbourg? Ou que M. Berlusconi, même s’il a quelques problèmes, ne s’intéresse pas aux Italiens qui vont aller siéger?».
Nicolas Sarkozy a pris le devant de cette bataille, avec l’idée de tenter de requinquer sa popularité qui a connu des chutes record. L’opposition a d’ailleurs fait de son bilan à mi-mandat l’argument électoral le plus porteur. Comme vient de le faire Dominique de Villepin qui ne rate aucune occasion de pointer les faiblesses de la gouvernance de Nicolas Sarkozy : «Le président a choisi une méthode qui est celle de la réforme tous azimuts et force est de constater que cette méthode ne donne pas les résultats escomptés (…) Je comprends qu’il ne souhaite pas fêter cet anniversaire parce qu’à la vérité il n’y a pas grand-chose à fêter».
Cette posture s’est attirée les foudres ironiques de François Fillon. Le Premier ministre estime que son parti est le seul à «nourrir de grandes ambitions pour l’Europe» alors que le programme de l’opposition se résume en deux mots : «contre Sarkozy». L’attaque contre l’opposition semble prendre de nouvelles proportions avec les déclarations du chef de file de la liste francilienne de l’UMP, le ministre de l’Agriculture Michel Barnier a utilisé une métaphore footballistique: «c’est comme si vous aviez l’équipe de France qui joue -on sait que la partie est difficile en ce moment- et que sur les bancs de touche, vous aviez des joueurs dans l’équipe de France qui disent qu’ils souhaitent l’échec de leur équipe».
Outre les grincements de dents que certains choix ont provoqués, les listes UMP pour ces européennes n’ont pas fini de susciter des débats au sein de la majorité présidentielle.
Le dernier en date est celui que risque de provoquer le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner. Alors que l’ensemble des symboles de cette majorité sont invités à se mobiliser pour faire réussir les hommes que Nicolas Sarkozy propose pour siéger au Parlement de Bruxelles, Bernard Kouchner donne cette réponse laconique : «j’attends de voir les programmes» à la question «pour quelle liste voteriez-vous?». L’UMP classique a de fortes chances de tousser sec pour les plus discrets et de pousser des cris horrifiés pour les plus démonstratifs. Avec le prétexte que le parti du président attend de Bernard Kouchner la même solidarité que celle qu’exprime avec un entrain certain l’actuel ministre de l’Immigration, l’ancien socialiste Eric Besson. Tout en se préparant à défendre bec et ongles le bilan de Nicolas Sarkozy, faisant du scrutin du 7 juin un énorme test pour les choix politiques de Nicolas Sarkozy, l’UMP peut prévaloir de ne être tombée dans le piège des parachutages spectaculaires qui avait empoisonné le début de la campagne des socialistes et qui continue à donner des migraines à la rue de Solferino sous la direction de Martine Aubry.