Décidément, Maghnia est devenue le symbole fort de la contestation sociale que connaît l’Algérie. Située à l’ouest algérien, cette ville frontalière avec Oujda est, depuis quelque temps, le théâtre de grands soulèvements populaires. Le dernier en date, survenu pas plus tard que samedi 6 mai, a pris une ampleur telle que le ministère de l’Intérieur a dépêché d’importantes unités anti-émeutes pour épauler les forces de l’ordre déjà sur place, pratiquement débordées par le déchaînement de plusieurs centaines de manifestants. Ces derniers, qui au départ étaient de 500 personnes, après avoir bloqué dans la matinée l’entrée de la ville, se sont lancés spontanément dans une marche sur le centre-ville, ce qui a permis à d’autres habitants de venir grossir les rangs des «mécontents». Fruit des difficultés sociales qui se sont nettement exacerbées depuis la fermeture des frontières avec le Maroc, cette vague de contestation est également le résultat de l’indifférence avec laquelle les autorités algériennes continuent de traiter les revendications de la population. Après des tentatives (infructueuses) de négociations avec le chef de la circonscription de Maghnia, qui comme l’a rapporté la presse algérienne elle-même, aurait préféré mettre une sourdine aux nombreuses revendications, les habitants n’ont eu d’autre choix que le recours à la protestation pour faire valoir leurs doléances. L’intervention musclée des services de l’ordre en aurait rajouté à l’indignation des manifestants qui, excédés par l’usage disproportionné de la force (recours aux bombes lacrymogènes, ajouter à cela l’arrestation d’une trentaine de personnes), se sont livrés à plusieurs actes de sabotage. Après avoir verrouillé les voies de passage avec des pierres et des pneus incendiés, ils auraient, toujours selon la presse algérienne, «brûlé et saccagé des magasins et des locaux de services publics, notamment le siège de la Société de distribution de gaz (Sonelgaz), le palais de justice et la succursale de la Banque nationale d’Algérie». Violence qui n’aurait d’égale que l’ampleur de la crise sociale qui continue de déchirer cette région qui s’est vue refuser, depuis quelque temps, le seul et unique moyen de «survie» : la contrebande.
Des mesures drastiques ont été prises dernièrement par les autorités pour endiguer cette hémorragie, sans pour autant chercher à proposer des solutions de remplacement à une population livrée à elle-même. La population, et les transporteurs en particulier, ont payé les frais de ces mesures «protectionnistes». Ces derniers déplorent le renforcement des dispositifs de contrôle routier pour justifier la provenance et la destination de leurs cargaisons, ce qui revient, affirme l’un d’entre eux, cité par un organe de la presse locale, à «pénaliser nos activités légales». Un autre estime «irrationnel» de n’avoir même pas «le droit de vendre son camion, ici à Maghnia», ceci sans compter les lenteurs administratives auxquelles sont confrontés les camionneurs. «Pour avoir sa carte grise, il faut attendre jusqu’à huit mois», s’indigne-t-il.
Indignation qui n’est pas près de s’apaiser, sachant que les autorités d’Alger n’ont visiblement rien fait ou presque pour sortir la population de Maghnia de son «état de siège».