Le retour à Nouakchott de l’avion présidentiel, dans la matinée du jeudi, sans l’ex-locataire de la présidence, son directeur de cabinet et son chef de protocole, a achevé de convaincre les plus indécis des Mauritaniens. L’ère du colonel Ould Taya semble bien s’être achevée sans un seul coup de feu. Proclamé président, Ely Ould Mohamed Vall et une équipe de 17 officiers promettent de conduire le pays vers la démocratie, d’ici deux ans. Un délai qui ne dérange pas les Mauritaniens, habitués à attendre.
Durant toute la nuit du mercredi, des cortèges de voiture ont sillonné l’avenue Gamal Abdel Nasser, principale artère de Nouakchott, au bruit des klaxons. Dès hier, jeudi matin, les premières informations commençaient à circuler dans les salons cossus de Tevreigh Zein (quartier de la bourgeoisie nouakchottoise), concernant les intentions du Conseil militaire pour la justice et la démocratie. Il n’y aura pas de chasse aux sorcières. Au terme de deux années du pouvoir, le collège militaire qui a déjà nommé les nouveaux chefs d’état-major de l’armée et de la gendarmerie, entend quitter le pouvoir. La durée du mandat présidentiel sera ramenée à cinq ans et le futur président ne devra pas cumuler plus de deux mandats.
Autant d’assurances, encore non officielles au moment où nous mettions sous presse, mais qui ont contribué au climat de décrispation constatée à Nouakchott et à l’intérieur du pays. L’aéroport de Nouakchott a été rouvert au trafic dès mercredi soir après quelques heures de fermeture. Muette durant tout le déroulement du putsh, la classe politique a retrouvé peu à peu de la voix. Le Parti républicain démocratique et social (le PRDS) de Ould Taya a été le seul à condamner vigoureusement le coup de force. L’Union des forces de progrès (UFP) de Ahmed Daddah, frère de Mokhtar Ould Daddah, père de l’indépendance mauritanienne, «prend acte» du changement de régime dans un communiqué laconique. Le Front populaire (FP) de Mohamed Lemine Chbih Ould Cheikh Melainine a salué dès mercredi «les objectifs fixés par le CMJD» pour la mise en place d’un processus démocratique digne de ce nom.
A l’international, l’accueil du putsch est mitigé. Trois pays frontaliers avec la Mauritanie n’ont toujours pas réagi. «Ni le Maroc ni le Sénégal, encore moins le Mali », note un observateur indépendant. Le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, avait été pourtant l’un des tout premiers à fustiger la prise de pouvoir de Kodio Eyadéma, au Togo, à la mort de son père. Si l’Union Africaine par la voix d’Alpha Omar Konaré s’est fendu d’un long communiqué condamnant le putsch, imité en cela par la Commission européenne et les Nations Unies, en revanche aucun pays de la région n’a encore réagi, à l’exception de l’Ivoirien Laurent Gabgo. L’indifférence des pays arabes, lesquels n’avaient toujours pas réagi 24 heures après l’annonce de la réussite du coup d’Etat, montre l’immense fossé qui s’est creusé entre la Mauritanie et les pays membres de Ligue arabe, au lendemain de l’établissement des relations diplomatiques avec Israël. L’Etat Hebreu a d’ailleurs réagi : «nous attendons de voir quelles sont les relations que le nouveau régime va entretenir avec la communauté internationale », déclare un haut responsable du ministère des Affaires étrangères israélien, cité par l’AFP.
Premier partenaire commercial de la Mauritanie, la France est d’abord restée de marbre, contrairement au coup d’Etat manqué de juin 2003. Dans l’après midi du mercredi, un communiqué minimaliste de l’ex-puissance coloniale sera émis : «nous suivons la situation de près ». Sans commentaire. La seule condamnation ferme de la part d’un Etat est à mettre dans le compte de l’Oncle Sam, qui dit suivre l’UA en déclarant que la «situation en Mauritanie ne justifiait pas un quelconque recours à des moyens non constitutionnels».